top of page

FORÊT DE WHAKAREWAREWA - DANS L'OMBRE DES GÉANTS

Toutes les forêts ne sont pas les mêmes. Certaines murmurent, d'autres crient. Mais les Redwoods de Rotorua, dans la forêt de Whakarewarewa, murmurent des histoires venues d'un monde parallèle, où le temps se faufile entre les troncs séculaires et où l'air semble distiller la poésie de la nature elle-même. En pénétrant dans la forêt, on a l'impression que la civilisation se dissout. Des séquoias géants, importés de Californie au début du XXème siècle, se sont acclimatés et sont devenus les gardiens spirituels de ce sanctuaire néo-zélandais. Bien qu'ils ne soient pas indigènes, ils se sentent chez eux et ils vous donnent l'impression d'être un élément du paysage le temps d'une visite. Le sentier suspendu entre les arbres majestueux est une danse avec la gravité. Des ponts suspendus à des hauteurs vertigineuses mais douces offrent une perspective cinématographique de la forêt. La nuit, l'éclairage artistique transforme l'endroit en une forêt enchantée où l'ombre et la lumière se mêlent à la fantaisie. Mais ce qui rend cette forêt vraiment spéciale, c'est la façon dont elle tisse la résilience de la nature avec l'histoire de l'homme. En effet, des sites sacrés Māori se trouvent à proximité et l'air semble chargé du souvenir d'une culture qui a compris que l'homme ne domine pas la nature, mais qu'il coexiste avec elle.

Sous le signe sacré de la civilisation Māori

Autour de la forêt, où les arbres s'élèvent tels les colonnes d'une cathédrale végétale, la terre frémit d'une mémoire plus ancienne que le temps. Les lieux sacrés Māoris sont bien plus que de simples sites: ce sont les souffles des ancêtres, cachés parmi les vapeurs géothermiques et les ombres des feuilles. On raconte que les déesses du feu, Te Hoata et Te Pupu, ont voyagé depuis Hawaiki, laissant derrière elles des sources d'eau chaude, des geysers et des lacs qui parlent encore. Et que la forêt, dans son silence solennel, conserve les pas du guerrier Wāhiao qui, caché par les vapeurs de la terre, a mené son armée dans une danse Haka juste avant la bataille. La forêt n'oublie rien; dans ses fibres, elle conserve les chants, les peines et les espoirs de ceux qui y ont vécu: les Ngāti Wāhiao et les Tūhourangi, ces tribus qui ont survécu à l'éruption dévastatrice du mont Tarawera et ont transformé la souffrance en continuité.

La cathédrale silencieuse

Nous nous trouvons au milieu de la forêt. L'air est épais, presque solennel, et chaque pas semble étouffer le bruit du monde. Les enfants courent devant, leurs rires s'estompent à travers les grands troncs. La forêt est immobile et les séquoias, durs comme l'acier, s'élèvent parfaitement vers le ciel, tels des colonnes de cathédrale. En levant les yeux, nous avons l'impression de nous trouver dans un édifice gothique sans fin. La lumière traverse les feuilles avec révérence, à la manière des rayons de soleil qui traversent les vitraux d'une église ancienne. Cela m’évoque l’Église Noire de la ville de Brașov, en Roumanie, le pays dont je suis originaire, mais ici, il n'y a pas de pierre, seulement du bois vivant. Tout respire, mais en silence. C'est un sanctuaire végétal. Nous écoutons attentivement le bruissement des feuilles. Ce n'est pas seulement la nature, c'est une histoire. Une histoire de droiture, de liberté et de silence qui n'a besoin de l'approbation de personne. Ici, pas besoin de grands discours. Juste une présence.

Dans le dôme des arbres

Nous marchons en silence et les feuilles bruissent avec une révérence qui ne demande pas de réponse. Les enfants, d'ordinaire impatients de jouer et de faire du bruit, sont submergés par la beauté qui les entoure. Ils regardent autour d'eux avec de grands yeux, tels des pèlerins arrivés dans un lieu merveilleux. Chaque séquoia est une colonne dans une église vivante. Leurs ombres tombent avec précision, presque mathématiquement, mais avec la douceur d'une étreinte. Nous nous enfonçons lentement dans le cœur de la forêt, où le calme s'intensifie, non pas comme une absence de son, mais comme la présence de l'éternité. Sous ce couvert végétal, nous nous sentons protégés de tout ce qui est instable dans le monde. De l'agitation des villes, des nouvelles qui minent l'espoir, des souvenirs qui n'ont pas encore cicatrisé. Ici, la nature bâtit des murs sans hostilité, offrant un refuge et du temps. C'est une leçon sans paroles, car le silence est parfois la forme la plus claire de la compréhension. Et les enfants le savent, même s'ils ne peuvent pas l'expliquer. Lorsque nous respirons en phase avec la forêt, c'est comme si nous revenions, l'espace d'un instant, à quelque chose de plus ancien que l'histoire.

Rocko, le serpent de pierre

Au cœur de la forêt, parmi les grands arbres qui semblent toucher les nuages, vit une créature légendaire: Rocko, le serpent de pierre. Nous nous approchons de lui avec curiosité. On dit qu'il n'est pas fait d'écailles, mais de rêves peints. Chaque pierre de son corps est un témoignage: d'une famille venue avec des enfants, d'un artiste qui a voulu laisser une trace, d'une âme errante qui a trouvé un peu de réconfort parmi les arbres. Rocko n'est pas né, il a été façonné par les mains de la communauté, grandissant avec chaque bonne pensée, chaque couleur jetée sur le granit. Lorsque la forêt est réchauffée par les rayons du soleil et que Mokopuna devient un sentier éclairé, Rocko brille de mille feux, tel un dragon pacifique qui veille sur le lien entre les hommes et la nature. Certains disent qu'en restant suffisamment longtemps près de lui, on peut entendre la musique de la Terre, une symphonie de pas, de rires et de vent. D'autres croient que ses pierres racontent des histoires et que, si l'on les touche avec un cœur ouvert, on se rend compte que la vraie résilience ne vient pas de la force, mais de la continuité, de l'art qui ne cède pas à l'oubli.

Au détour d'un sentier, le serpent se révèle à nous: silencieux, il est pourtant bien ancré dans notre mémoire collective. Les enfants le voient en premier et s'arrêtent, émerveillés, comme devant une créature mythique. D'une longueur presque invraisemblable, son corps ondulant est constitué de centaines, voire de milliers de pierres peintes, chacune ayant une histoire, un dessin ou une empreinte personnelle laissée par des visiteurs ayant ressenti l'appel du lieu. Ils s'assoient et regardent, fascinés, le chapelet de pierres colorées pendant de longues minutes, sans dire un mot. Nous commençons à le suivre des yeux, comme s'il nous conduisait au cœur de la forêt, dans un rituel muet. Les pierres sont gaies, sombres, abstraites, enfantines: une galerie à ciel ouvert née de la pulsion humaine de laisser une trace derrière soi. Pour moi, Rocko n'est pas seulement un symbole ludique. C'est un acte de résistance créative. C'est une forme d'expression libre, sans filtre ni censure. C'est viscéral, tout comme les paroles de Métal que j'écrivais sur les coins de mes cahiers à l'époque sombre du communisme de mon adolescence en Roumanie.

Les colonnes vivantes de la forêt

Parmi ces arbres majestueux, les colonnes vivantes de la forêt, s'étend un sentier aérien de 700 mètres: le Redwoods Treewalk. Cette promenade écologique n'exige rien d'autre que la présence et l'émerveillement. Ses 28 ponts suspendus relient 27 séquoias centenaires dans une danse silencieuse d'équilibre et de respect de la nature. Pas de harnais, pas d'instructions, juste des pas et des regards levés. À 20 mètres du sol, la forêt n'est plus seulement un paysage; elle devient une cathédrale. Le système d'accrochage innovant et unique en Nouvelle-Zélande protège les arbres sans les toucher, comme une promesse tacite entre l'homme et la nature.

Les billets peuvent être achetés au Redwoods i-SITE et au centre d'information pour les visiteurs, et des cartes-cadeaux sont disponibles sur le site officiel de Treewalk ainsi que dans la boutique de souvenirs.

La symphonie suspendue

Nous avançons lentement le long de la route aérienne et le premier pont ressemble à un arc dessiné par le souffle de la forêt. Au-delà, les 27 autres s'étendent comme les lignes d'un poème gravé dans le bois, nous élevant au-dessus du sol, là où les feuilles ne sont plus un détail, mais le plafond d'un sanctuaire de verdure. Les séquoias, ces magnifiques arbres colorés, nous accueillent avec une douce solennité.

Nous ne luttons pas contre la gravité, nous la négocions avec élégance. Nous ne grimpons pas, nous flottons. La structure des ponts, délicatement attachée à l'arbre grâce à un système innovant qui ne le blesse pas, semble davantage un geste de révérence qu'un acte d'ingénierie. Rien ne perturbe cet équilibre ancien, ni nos pas, ni la respiration curieuse des enfants.

Même la pluie est la bienvenue ici. Les couleurs s'intensifient et les feuilles semblent chanter dans des tons de vert et d'argent. Les enfants marchent avec prudence et les adultes avec respect. Chaque pont est une strophe, chaque plate-forme une pause pour reprendre son souffle. Par temps de pluie, la forêt revêt des couleurs plus intenses, comme si la nature avait été passée à travers un filtre en vinyle pur, mettant l'accent sur les détails et la réverbération. Les gouttes ne tremblent pas, mais s'embrassent. Chacun avance à son rythme, sans harnais ni consignes, comme un soliste qui monte sur scène en connaissant déjà la partition par instinct.

Les panneaux racontent des histoires, mais ils écoutent aussi. Ils vous parlent du passé de la forêt, des pionniers qui ont planté les arbres et du rêve de relier l'homme à la nature sans la dominer. C'est une expérience sensorielle et spirituelle qui fait de toute la famille un acteur d'une procession écologique. Sur ce sentier, on ne descend pas de la forêt. On y monte.

Le dernier pas vers la lumière

Et au bout du chemin, là où la forêt semble effacer soigneusement ses traces, il nous reste ce que le silence nous a appris et les yeux formés à regarder vers le haut. Les ponts s'attardent, comme des pensées qui nous ont portés pendant des jours difficiles, en suspens, mais bien réels. Redwoods Forest n'est pas une simple promenade. C'est une partition verticale, une prière silencieuse élevée par des étapes simples, une leçon sur la façon de se déplacer sans déranger, de sentir sans crier. C'est un croisement écologique entre le passé et le possible, où chaque arbre est un autel et chaque visiteur, un pèlerin qui ne sait pas encore qu'il a retrouvé une partie de lui-même. Et quand vous partez, la forêt ne vous libère pas. Elle vous garde, quelque part entre les branches et les souvenirs.


Comments


bottom of page