L’Iran d’aujourd’hui, sous la férule d’un régime théocratique, se considère comme l’héritier de l’ancien Empire Perse. Il se réclame d’une histoire et d’une durée d’environ 2 500 ans (avec des périodes de haut et d’autres de bas). L’Iran est également la principale base du chiisme, l'un des deux principaux courants de l'Islam, l'autre étant le sunnisme; entre eux, il y a un conflit que de nombreux historiens et experts le qualifient de ‘conflit fratricide millénaire’.
Perspectives historiques et religieuses
Dans ce contexte, il convient de rappeler que les régimes au pouvoir dans certains des pays visés par l'Iran sont sunnites. Cela pourrait aider à atteindre l'objectif poursuivi par le régime théocratique iranien, ainsi que les moyens et la stratégie mis en œuvre.
L’objectif et les moyens
L'objectif est de créer un État qui reprenne au moins une partie des territoires qui composaient l'Empire Perse auparavant. Bien sûr, cet État aura à sa tête le régime théocratique actuel d’Iran et le chiisme comme religion dominante. Par ailleurs, l'utilisation de la religion et l’emprise que l'Iran exerce sur les chiites des autres pays sont deux des moyens à sa disposition pour atteindre son but. Un autre moyen est la haine d'Israël, un sentiment largement répandu dans les populations du monde arabe et musulman. L’Iran considère Israël comme son principal ennemi et il veut sa chute pour les raisons suivantes.
La popularité et l'influence de l'Iran
L'Iran gagnerait beaucoup en crédibilité aux yeux de la population arabe et musulmane s'il parvenait à provoquer la défaite ou, au moins, l’affaiblissement d'Israël. Soit directement, par des attaques comme celles du 14 avril et du 1 octobre 2024. Soit indirectement, par les attaques de ses alliés (le Hamas de Gaza, le Hezbollah du Liban, les Houthis du Yémen etc.). Par la suite, un tel crédit serait utilisé pour fomenter des révoltes contre les régimes au pouvoir dans les pays visés par l'Iran. En cas de réussite, le régime serait renversé et remplacé par des gouvernements fantoches pro-iraniens.
La supériorité technologique d'Israël
L’Israël jouit d'une une supériorité technologique écrasante par rapport à ses voisins (qui font également partie des pays visés par l’Iran). S’il arrivait à vaincre l’Israël, l’Iran obtiendrait au moins une partie de cette technologie. Par la suite, il gagnerait un énorme avantage sur ces pays - là. Bien que cela relève du domaine de la fantasy plutôt que de la réalité, rien n’empêche le régime théocratique iranien de rêver à un tel exploit.
Un lien historique
Historiquement, le territoire d’Israël d’aujourd’hui a fait partie de l’ancien Empire Perse, à certains moments de l’histoire (fait mentionné même dans la Bible). Voilà une raison de plus pour le régime théocratique de l’Iran de vouloir vaincre et conquérir l’Israël.
Le "Grand Satan" contre l'Empire Perse
L’Iran a désigné les États-Unis comme étant le ‘Grand Satan’, son ennemi public numéro un ex aequo avec Israël. Pourquoi? Parce que les Américains sont l’allié le plus fort et loyal d'Israël. Accessoirement, ils montrent aux Iraniens un modèle de vie sociale et politique qui est à l’opposé de celui mis en œuvre par le régime théocratique au pouvoir. Les Iraniens ont connu ce modèle à l'époque du shah Pahlavi; aujourd'hui, ils l'apprécieraient encore plus après avoir connu les ‘avantages’ du modèle religieux actuel. De plus, les États-Unis soutiennent les autres pays qui sont dans la ligne de mire de l’Iran. Et l'Iran ne peut pas s’en prendre à eux tant que les Américains sont dans l'équation. En revanche, si les États-Unis se détournaient de la région, l’Iran aurait toute latitude pour attaquer les pays qu’il vise.
Les pays visés
Outre l’Israël, d’autres pays occupent aujourd’hui une grande partie du territoire de l’ancien Empire Perse et que l’Iran vise également: la Syrie, l’Irak, les pays du Golfe Persique, la Jordanie, le Yémen, le Liban et l’Arménie. Probablement aussi la Turquie et le Pakistan. Certains de ces pays sont déjà sous le contrôle de l’Iran (Syrie et Liban), tandis que d’autres y tombent chaque jour un peu plus (Irak et Yémen). Bien qu’il y ait d’autres territoires qui ont fait partie à un certain moment de l’ancien Empire Perse, comme l’Égypte, certaines îles grecques, l’Afghanistan, etc., nous ne croyons pas que le régime viserait ces derniers aussi. Pour atteindre son objectif, le régime théocratique de l’Iran doit ‘conquérir’ les pays visés, d’une manière ou d’une autre. Par conséquent, un plan avait été conçu et sa mise en œuvre a débuté bien avant. Ce plan comprend plusieurs étapes, qui ne doivent pas nécessairement se dérouler dans un certain ordre. Il se peut donc que des actions d’une étape soient réalisées en même temps que celles d’une autre étape.
Première étape: Obtenir le contrôle
Elle consiste à obtenir le contrôle total de certains pays où une population musulmane chiite est présente en grand nombre, voire majoritaire: Irak, Syrie, Liban et Yémen. Premièrement, l’Iran obtient un contrôle indirect exercé par l’intermédiaire d’acteurs politiques, économiques et/ou militaires locaux chiites, comme c’est le cas en Irak, au Liban (le Hezbollah) et au Yémen (les Houthis). En Syrie, les milices chiites contrôlées par l’Iran sont même indispensables pour garder au pouvoir le régime actuel. Plus tard, lorsque certaines conditions seront réunies, l’Iran obtiendra le contrôle direct de chacun de ces pays par l’union de ceux-ci avec l’Iran.
Deuxième étape: L'éloignement de l'Occident
Elle consiste en à obtenir que les États-Unis, mais aussi la France et le Royaume-Uni, l’Occident en général, ne s’intéressent plus aux pays visés par le régime théocratique de l’Iran. Et qu’ils décident de se retirer d’où ils maintiennent encore une présence militaire. Actuellement, hormis Israël, plusieurs des pays visés par le régime théocratique de l’Iran reçoivent un soutien militaire important de la part des États-Unis (et des autres pays également). Ce soutien inclut la fourniture d’armes et de munitions, ainsi qu'une présence de forces militaires sur place dans certains pays (Qatar, Jordanie, etc.). Des troupes qui, si besoin, peuvent s’impliquer en leur défense.
La troisième étape: Contourner les sanctions de l'Occident
Elle consiste en à obtenir accès aux marchés mondiaux (financières, marchandises etc.), partialement fermées à cause des sanctions qui lui ont été imposés (pour des raisons comme soutenir des mouvements terroristes et volonté de se doter de l’arme nucléaire). L'Iran souhaite également avoir accès à des technologies plus avancées que les siennes. Il accuse en effet beaucoup de retard par rapport aux pays qu'il convoite, étant soumis à un embargo technologique de plusieurs années.
La quatrième étape: La meilleure défense, c'est l'attaque!
S’attaquer aux pays visés par des moyens spécifiques, adaptés à chacun d’entre eux. Soyons clairs: L’Iran n’a pas les moyens militaires, technologiques, économiques, ni même en termes de masse (de population) de s’attaquer de front aux pays visés. Ni aujourd’hui, ni dans un avenir prévisible. Il lui fallait donc suivre la voie de la patience, c’est-à-dire attendre qu’une ‘occasion favorable’ se présente pour en tirer profit. L’Iran devait donc planifier des stratégies politiques et militaires adéquates. Il devait également être capable de créer et diriger des organisations politiques et militaires pour mettre en pratique ces stratégies dès qu’une ‘occasion favorable’ se présente. Par le passé, cela a très bien fonctionné.
L'Iran et L'Irak: Les demi-frères
En 2003, une ‘occasion favorable’ se présente: les Américains ont déposé Saddam Hussein du pouvoir et ont lancé la ‘démocratisation’ du pays. L’Iran a su pleinement tirer parti de cette situation: les chiites, majoritaires en Irak, ont été utilisés pour créer des milices intégrées formellement à l’armée irakienne ainsi que des partis politiques; en réalité, tous sont loyaux envers le régime théocratique de l'Iran. Une grande avancée dans cette direction serait d'obtenir le départ des troupes américaines encore stationnées en Irak. Si le départ est acté (ce qui est loin d'être sûr), l'Iran pourra prendre le contrôle du pays par le biais des partis politiques qui lui sont fidèles. Dans un deuxième temps, une union entre les deux pays sera envisageable.
La Syrie et une alliance dans le visor
En 2011, les premières manifestations pacifiques en faveur de la démocratie sont brutalement réprimées par le régime du dictateur Bachar El-Assad. Loin d’éteindre le feu, cela l’amplifie et une insurrection armée naît; une guerre civile commence. L’Iran s’implique très tôt aux côtés du régime en formant diverses milices chiites. À sa demande, le Hezbollah intervient en faveur du régime de Bachar el-Assad à partir de 2012. L'alliance de milices chiites pro-iraniennes avec le Hezbollah, appuyée par un contingent russe, a finalement réussi vaincre l'insurrection vers 2017 ((ce qui a préfiguré l'alliance future entre la Russie et l'Iran dont nous parlerons plus loin). Aujourd'hui, le pouvoir est exercé dans la plupart des pays par le régime de Bachar El-Assad. Cependant, c'est le Hezbollah et les milices chiites contrôlées étroitement par l'Iran qui le garantissent.
Le Liban et le Hezbollah
Le Hezbollah est un mouvement chiite créé en 1982 pour combattre Israël. Il s'est fait remarquer et a gagné en popularité grâce à ses affrontements successifs avec celui-ci. Dans le même temps, le Hezbollah a développé un parti politique, ainsi que des structures financières, sociales et civiques. Son intervention réussie en Syrie a renforcé encore davantage sa force de frappe militaire, sa crédibilité et son importance aux yeux de la population libanaise (et même au-delà). Il est même devenu le véritable patron politique du Liban. Toute au long de son existence, il a reçu une aide considérable de la part de l'Iran: conseil, soutien financier, militaire et politique. Sur le plan religieux, il est également obéissant envers le régime théocratique de l’Iran. À ce titre, le Hezbollah est considéré comme un allié très proche, voire comme une prolongation de l’Iran.
Le Yémen et les Houthis
En 2004, les Houthis (un mouvement chiite) ont lancé une rébellion contre le gouvernement et ont rapidement occupé la plupart du pays. Ils ont eu plusieurs conflits avec l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe, qui étaient intervenus pour soutenir le gouvernement (l'une des raisons pour lesquelles ces pays ne s'opposent pas vraiment et approuvent même tacitement ce que fait Israël aujourd'hui). En 2024, ils ont affiché leur soutien au Hamas de Gaza en s’attaquant aux navires qui passaient par le Golfe d'Aden et la mer Rouge en route vers le canal de Suez. Malgré plusieurs frappes aériennes et le positionnement de navires de guerre américains (et d'autres pays) dans la zone, le trafic maritime a été perturbé à plusieurs reprises. Ce qui, en soi, est une belle victoire pour les Houthis. La clé de leur succès? Ils ont été financés, armés et entraînés par l'Iran dès le début. Leur obéissance envers l'Iran est une évidence. Dans le plan du régime théocratique de l’Iran, les Houthis devraient s’attaquer à l’Arabie saoudite, pourvu qu’une opportunité se présente.
Gaza et le Hamas
L’Iran a toujours aidé le Hamas en lui fournissant de l’argent, des armes, des conseils tactiques et opérationnels. Il a également formé ses membres au combat. En 2007, le Hamas prend le pouvoir à Gaza et s'y maintient jusqu’au récemment. Il s'est même renforcé au fil du temps malgré plusieurs confrontations avec Israël en 2008, 2012 et 2014. L’attaque du 7 octobre 2023 a été l’apogée de ses actions contre Israël; par la suite, Israël a décidé de l’éliminer. Aujourd’hui, en octobre 2024, la guerre en Gaza entre en sa phase finale et le Hamas n’existe plus en tant que force apte au combat. Au mieux, des ‘rescapés’ mèneront des actions de type ‘guérilla’ contre les forces israéliennes. Cependant l’Israël ne compte pas s’arrêter là et, à partir de septembre 2024, il attaque le Hezbollah dans le but de le détruire (lisez ‘Israël-Gaza-Liban-Iran: le conflit décisif’). C’est le prix que l’Iran doit payer pour son alliance avec la Russie de Poutine.
L'alliance avec la Russie: piège et mensonges
Fin 2022 ou début 2023, l’Iran a scellé son alliance avec la Russie de Poutine. Sur le papier, cette alliance semblait avoir toutes les chances de devenir une aubaine pour l’Iran. En échange du soutien militaire de l’Iran, la Russie s’engageait à livrer des technologies plus avancées que celles dont disposaient les Iraniens. Et des armes modernes: des avions et des chars de dernière génération, des missiles de longue portée, etc. L’Iran a plus que rempli son contrat: il a livré les drones Shahed, des tonnes de munitions de toutes sortes (et récemment des missiles en août 2024), que la Russie a largement utilisés contre l’Ukraine. Ils ont même fait en sorte que l'attaque du Hamas du 7 octobre tourne en massacre. Ainsi, Poutine a obtenu la guerre dont il avait besoin pour détourner l'attention et l'aide des Occidentaux de l'Ukraine vers Israël (lisez ‘Israël-Gaza-Liban-Iran : le conflit décisif’). En échange, Poutine et la Russie n’ont pas donné quasiment rien au régime théocratique de l’Iran: ni armes sophistiquées (avions, missiles longue portée, tanks, etc.), ni technologies (nucléaires ou non nucléaires). En réalité, Poutine n’a livré à l’Iran que des paroles en l’air. Et il a aussi involontairement porté un coup à ses rêves de grandeur. Cette alliance devient un piège pour le régime théocratique de l’Iran. Et elle se referme de plus en plus, menaçant même de provoquer sa perte.
La chute inéluctable
En respectant ses engagements envers la Russie et Poutine, l'Iran est en train de perdre tout ce qu’il a construit au fil du temps. Cela commence par la destruction du Hamas (déjà actée) et du Hezbollah (en cours). Pire encore, l’Iran glisse de plus en plus vers un conflit frontal avec Israël. Afin de protéger ses créations, le Hamas et le Hezbollah, le régime théocratique de l’Iran a commis l'erreur d'attaquer directement Israël avec des drones et des missiles (le 14 avril 2024) puis avec des missiles balistiques (le 1ᵉʳ octobre 2024). Et Israël a déjà répliqué, et il va répliquer encore plus durement. Cela ne fera que précipiter la chute du régime théocratique. La chute est inévitable. Le scénario est écrit d’avance: des mouvements de contestation du pouvoir, comme en 2009 et en 2022. Peu importe l’intensité des protestations ou le nombre de participants. Le régime va essayer de les réprimer durement, comme on l’a déjà fait par le passé. Cette fois, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Turquie (c'est-à-dire l'OTAN), probablement l'Arabie Saoudite et des pays du Golfe Persique) vont intervenir pour ‘stopper le massacre des civils’ (ou une autre formule similaire). Et la Russie et la Chine s'y opposeront-elles ? Oui, mais seulement avec une offensive massive d'actions ‘verbales’ sans aucun effet sur le terrain: protestations, condamnations, réunions et projets des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, etc. Elles ne peuvent pas faire plus. Comment ça? La Russie a désormais besoin des militaires nord-coréens, en plus de munitions et d'armement, pour continuer sa guerre contre l'Ukraine. De son côté, la Chine ne risquera pas de se mettre en porte-à-faux avec ses principaux fournisseurs de pétrole et de gaz.
Les lendemains qui ne chantent plus
Aujourd’hui, 24 octobre 2024, nous apprécions donc la chute du régime théocratique de l’Iran comme inévitable. L’inconnu est de savoir si elle débutera avant ou après la destruction du Hezbollah. La réponse se trouve dans la dureté de la réaction d’Israël à l’attaque de l’Iran du 1er octobre 2024 (et les autres, s’il y en aura); plus celle-ci sera forte, plus il y a de chances que les mouvements de contestation débutent et que le régime tombe plus tôt.
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