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angelogeorge988

LA RUSSIE, LA MALÉDICTION HISTORIQUE DE LA ROUMANIE

Dernière mise à jour : 26 déc. 2024

La Russie a toujours été un malheur pour la Roumanie et son peuple, dès lors qu'elle a étendu son territoire jusqu’aux confins habités par les Roumains. Et la dynamique des relations entre Russes et Roumains n'a fait qu'empirer jusqu'à ce que le pire se produise: l'instauration de la dictature communiste. On aurait pu croire que la chute de Ceauşescu et du régime communiste avait mis fin à cette relation ‘toxique’, mais non. La Russie n’a jamais accepté de perdre la Roumanie et a toujours fait des efforts pour garder une forme de contrôle sur ce pays, même après la Révolution. Le dernier exemple en date est son immixtion dans les élections de 2024, lors desquelles elle a presque réussi à faire élire son candidat à la présidence de la Roumanie. Lisez ci-dessous comment et combien la Russie a fait de mal à la Roumanie au fil du temps. Avertissement: il s'agit d'une longue publication divisée en plusieurs chapitres, chacun pouvant être lu de manière indépendante.

CHAPITRE I: DU PACTE RIBBENTROP-MOLOTOV A NOS JOURS

Le terme ‘soviétique’ est synonyme de ‘russe’

L’Union Soviétique n’est autre que la continuation de l’Empire Russe, mais sous un autre nom. Officiellement proclamée le 30 décembre 1922, elle est présentée comme une ‘Union’ entre la Russie et plusieurs autres entités et nations. En réalité, cette union n’est qu’une belle façade derrière laquelle la Russie exerce une domination complète et brutale sur tous les autres. Il en va de même pour toutes les autres organisations dénommées ‘Kominterm’, ‘Kominform’ et ‘Pacte de Varsovie’. Chacun d'entre eux était en réalité un outil permettant à la Russie d'imposer une domination totale sur les autres sujets sous le couvert de la coopération. C'est pour cette raison que nous continuons à utiliser le terme ‘russe’ et non ‘soviétique’.

Vladimir Ilitch Oulianov (1870–1924), connu sous le nom de Lénine, fut un révolutionnaire, homme politique et théoricien russe. Leader des bolcheviks, il dirigea la Révolution d’Octobre, établissant le premier État socialiste au monde. Chef du gouvernement soviétique, il consolida le pouvoir dans un État à parti unique sous le Parti communiste. Idéologiquement marxiste, ses idées sont connues sous le nom de léninisme.

Le pacte Ribbentrop-Molotov

Il est signé le 23 août 1939 à Moscou sous les auspices de Staline et présenté comme un traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique. En réalité, il s'agit d'un accord colonial par lequel les deux pays se partagent l'Europe. Qu'ils le reconnaissent ou non, et quoi qu'en disent les historiens. Soyons très clairs: en plus d’une partie de la Pologne, la Russie obtient des territoires habités par des Roumains depuis toujours, notamment la Bessarabie et la Bucovine du Nord. Des territoires qui appartiennent à la Roumanie et que la Russie convoite depuis très longtemps. C’est ce qui fait d’elle donc la grande gagnante de cet accord. C'est probablement la raison pour laquelle Hitler a attaqué la Russie en 1941: il a compris que Staline l'avait trompé et tiré davantage profit de la situation que lui. Anecdote: Hitler a promis le retour de ces territoires à la Roumanie en échange de sa participation à l’offensive contre la Russie. Antonescu, le dirigeant de la Roumanie, a accepté. La participation de la Roumanie à l’Allemagne d'Hitler s’est faite sous le signe de l’ordre du jour du maréchal Antonescu qui disait: ‘Soldats roumains, je vous ordonne de traverser le Prut et de récupérer la Bessarabie’.

23 août 1944 – le retournanent des armes

Le coup d'État du 23 août 1944, mené par le roi Michel et les partis politiques, a marqué un tournant crucial de la Seconde Guerre mondiale. À partir de ce moment, l’armée roumaine a commencé à combattre l’armée allemande, précipitant ainsi la fin du conflit. Cette décision a raccourci le conflit de plusieurs mois, sauvé des centaines de milliers de vies et accéléré la libération de la Roumanie de l'occupation allemande. Elle a également permis à l'armée russe de progresser et de conquérir une grande partie du pays sans rencontrer d'opposition. À cette occasion, la domination allemande a été remplacée par la domination russe. Jusqu'à la signature d'un armistice entre la Roumanie et les Alliés, les Russes ont traité les militaires roumains comme des ennemis, à l'exception de ceux qui combattaient les Allemands. Quelque 160,000 soldats roumains ont été faits prisonniers et forcés de marcher vers les camps russes, où un tiers d'entre eux ont trouvé la mort. Le coup d'État a été conçu comme un acte de sacrifice visant à sauver la patrie. Ses auteurs étaient convaincus, à l'époque, que sans ce changement, la Roumanie disparaîtrait en tant que pays à la fin de la guerre. Malheureusement, le seul résultat a été un grand nombre de soldats roumains tués dans la lutte contre l'Allemagne nazie, ainsi que le début précoce d'une série d'atrocités russes.

Michel I-er (1921–2017) régna sur la Roumanie de 1927 à 1930, puis de 1940 à 1947. Fils du prince héritier Carol, il porta les titres de «prince de Roumanie» et de «prince de Hohenzollern-Sigmaringen».

Armistice et traité de paix

Un armistice avec les Alliés a été signé le 12 septembre 1944 à Moscou. Selon ses termes, la Roumanie se place sous l'autorité d'une commission alliée composée de représentants de la Russie, des États-Unis et du Royaume-Uni. En réalité, ce sont les Russes qui exercent le contrôle effectif. La situation est bipolaire: sur le front, les troupes roumaines sont considérées comme des ‘alliées’ utiles à combattre les Allemands. À l'intérieur, les Russes se comportent comme s'ils se trouvaient sur un territoire ennemi tombé entre leurs mains. Ils imposent donc leurs règles et s’emparent des biens des habitants. De plus, ils installent un gouvernement provisoire: le 6 mars 1945, le gouvernement dirigé par Petru Groza est mis en place. Le traité de paix signé à Paris en 1947 est extrêmement défavorable à la Roumanie: la Bessarabie et la Bucovine du Nord sont reprises par les Russes. La Russie est également autorisée à maintenir des troupes sur le territoire roumain.

La délégation roumaine, dirigée par le vice-Premier ministre communiste Lucreţiu Patrăşcanu, le paysan Ghiţă Popp et le prince Barbu Ştirbey, arriva à Moscou le 29 août 1944. Bien que Viaceslav Molotov, ministre soviétique des Affaires étrangères, eût déjà informé les diplomates britanniques et américains de son intention de négocier avec la Roumanie, l’armistice ne fut signé que le 12 septembre. "Cela s’est fait très tard. Les Russes n’ont signé que lorsqu’ils contrôlaient tout le territoire. Nos troupes russes avaient infiltré chaque recoin. Une fois sûrs que l’armée roumaine passerait de leur côté… alors ils ont signé. L’armistice a été une négociation terrible", expliqua Constantin Bălăceanu-Stolnici.

Formaliser l'occupation de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord

En 1947, à Paris, un traité de paix est signé entre les Alliés vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et les pays ayant, à un moment ou à un autre du conflit, s’alliés à l'Allemagne. Les autres Alliés envisagent d’accorder à la Roumanie le statut de 'alliée’, en reconnaissance de sa contribution à partir du 23 août 1944. Cependant, la Russie s’oppose fermement à cette démarche et parvient à reléguer la Roumanie dans le ‘camp des perdants’. La délégation roumaine, qui n’a en réalité rien à voir avec la Roumanie, approuve cette position.

Le 12 septembre 1944, la Convention d'armistice fut signée à Moscou entre le gouvernement roumain et ceux de l'Union soviétique, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Représentant la Roumanie, L. Pătrăşcanu, D. Dămăceanu, B. Ştirbey et G. Popp apposèrent leurs signatures, tandis que le maréchal soviétique R.I. Malinovski signa au nom des Alliés.

L'explication: la Russie avait l’intérêt stratégique majeur d’obtenir ce statut pour la Roumanie, afin de justifier son occupation de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord. En effet, si la Roumanie avait été reconnue comme 'alliée, la Russie aurait été contrainte de restituer ces territoires, annexés dans le cadre du Pacte Ribbentrop-Molotov.

Le premier article de la Convention d'armistice stipulait: «À compter du 24 août 1944, à 4 heures du matin, la Roumanie a entièrement cessé ses opérations militaires contre l'Union des Républiques socialistes soviétiques sur tous les théâtres de guerre, s'est retirée de la guerre contre les Nations Unies, a rompu ses relations avec l'Allemagne et ses satellites, et est entrée en guerre aux côtés des puissances alliées contre l'Allemagne et la Hongrie, dans le but de restaurer l'indépendance et la souveraineté de la Roumanie. À cette fin, elle mettra à disposition au moins 12 divisions d'infanterie, ainsi que des services techniques auxiliaires. Les opérations militaires des forces armées roumaines, y compris les forces navales et aériennes, contre l'Allemagne et la Hongrie, seront conduites sous la direction générale du Haut Commandement allié (soviétique)».

Occupation russe

Les troupes russes sont restées en Roumanie jusqu'en 1958, exerçant une influence politique et militaire significative durant cette période. Après la signature de l'armistice en 1944, les troupes russes ont occupé l’ensemble du territoire du pays et y ont établi une présence écrasante. Cette présence militaire a été essentielle pour l'instauration du communisme, ce qui n'aurait pas été possible sans elle. La structure politique et sociale de la Roumanie dans la période d'après-guerre a donc été modelée selon les souhaits des Russes.

Après la signature du pacte d’armistice en 1944, les troupes soviétiques occupèrent l'ensemble du territoire roumain. Les estimations du nombre de soldats varient, allant de 750 000 à 1 million selon les responsables militaires britanniques, à 1 à 1,5 million selon le haut commandement roumain. De nombreux diplomates et experts occidentaux évoquent un déploiement de plus d’un million de soldats.

Restructuration et russification de l'armée roumaine

L'occupation russe a réduit l'armée roumaine à un néant professionnel. Le processus commence par la création des divisions ‘Tudor Vladimirescu’ et ‘Horia, Cloșca et Crișan’, qui imitent fidèlement le modèle de l'Armée rouge. Elles deviennent le noyau d'une armée soumise, une pépinière de cadres fidèles à Moscou. Dans le même temps, des officiers russes infiltrent les structures militaires roumaines, supervisent la réorganisation et imposent leur propre doctrine militaire. Les soldats aptes au combat et soupçonnés de patriotisme de l'ancienne armée sont éliminés: certains sont expulsés de l'armée et d'autres emprisonnés. Parallèlement, les premières promotions d'officiers et de sous-officiers de la nouvelle armée roumaine sont formées dans les écoles militaires russes. L'armée roumaine est ainsi dépouillée de son identité nationale et devient totalement déprofessionnalisée. Elle aurait donc été incapable de défendre le pays et les Roumains si les Russes avaient décidé d'envahir à nouveau la Roumanie. Soyons clairs: cela explique ce qui s'est passé durant la Révolution Roumaine. Les causes du comportement de l'armée, des officiers et des soldats, avant le 22 décembre 1989 (quand ils ont tiré sur des révolutionnaires) et après (quand ils ont cru qu'ils étaient attaqués par des ‘terroristes’ et ont ouvert le feu les uns sur les autres), y sont liées.

Un timbre de propagande émis par la République populaire roumaine, portant l'inscription : "Vive la Confrérie des armes roumano-soviétiques".

Mise en place de la police politique

Le modèle communiste russe ne pouvait survivre que par la terreur. Les gens devaient être soumis à une peur primitive qui les empêcherait de s'associer, de protester ou d'exprimer leur opposition au régime monstrueux. Après avoir pris le pouvoir, Lénine a créé le CEKA, qui est devenu le NKVD, puis le KGB et aujourd'hui le FSB. Le même mécanisme de terreur a été reproduit en Roumanie lors de l'occupation russe. La première étape a consisté à infiltrer brutalement des agents russes au sein du ministère de l'Intérieur et des services de renseignement. Le 30 août 1948, la Direction générale de la sécurité du peuple, connue sous le nom sinistre de Securitate, a été officiellement créée. Issue du NKVD, sa mission initiale était d'éroder et de détruire les services de renseignement existants, en les remplaçant par des structures loyales aux Russes. Une fois cette mission accomplie, son rôle exclusif était de défendre les ‘conquêtes de la démocratie populaire’ et la ‘sécurité’ de la République Populaire Roumaine contre les ‘ennemis intérieurs et extérieurs’. En réalité, sa priorité absolue était l'élimination des ‘ennemis de l'intérieur’, c'est-à-dire quiconque pouvait se montrer patriote même un tout petit peu. La première équipe de direction de la sécurité était composée du colonel du NKVD Alexander Nicolschi et du général du NKVD Panteleimon Bondarenko.

Le 30 août 1948, la Direction générale de la sécurité populaire, mieux connue sous le nom infâme de Securitatea, fut créée. Cette institution, symbole de criminalité et de terreur généralisée, demeure dans la mémoire collective roumaine comme l'incarnation suprême du mal. Sur la photo du document, les troupes de la Sécurité de l'État défilent lors d'une rare apparition publique.

Spoliation de la Roumanie

La Roumanie a été contrainte de payer 300 millions de dollars de réparations de guerre à la Russie, et cette somme a été versée conformément à toutes les exigences russes. Cela n'a pas empêché la Russie de continuer à piller le pays, s'appropriant des actifs d'une valeur de quelque 2 milliards de dollars sans compensation. Des usines entières ont été démantelées et transportées en Russie, parmi lesquelles l'usine d'avions de Brașov, célèbre pour avoir produit le chasseur-bombardier IAR, supérieur à tous les modèles russes de l'époque. De plus, jusqu'en 1952, 85 % des exportations roumaines étaient destinées à la Russie, pour des prix dérisoires. Il s’agissait donc d’une autre forme d'exploitation cruelle de l'économie nationale.

Les conséquences des événements du 23 août 1944 eurent également un impact sur l'IAR. Les unités de l'armée soviétique imposèrent à l'usine de Brașov la confiscation du matériel aéronautique importé d'Allemagne et l'exécution de réparations de véhicules, conformément à l'article 10 de la Convention d'Armistice signée le 12 septembre 1944. Ces mesures entraînèrent des pertes financières dépassant les cinq cents millions de lei au taux de 1946.

Les SovRom

Créées en 1945, ces entreprises prétendaient transférer la technologie et le savoir-faire russes afin d'aider la Roumanie. En réalité, il s'agissait d'un transfert à sens unique : les Roumains fournissaient des ressources et les Russes s'enrichissaient. Ces entités ont donc été les instruments perfides d'une exploitation massive des ressources de la Roumanie. En les utilisant, la Russie a acquis d'énormes quantités de biens et de ressources naturelles à des prix dérisoires, voire gratuitement. Pendant ce temps, l'économie locale souffrait de pénuries et d'une inflation galopante. Ce système de pillage a perduré jusqu’en septembre 1956, lorsque ces entreprises ont été liquidées.

La vie de l'homme a été arrachée du tissage comme réquisition, sa montre de la main comme butin de guerre, et même le Conservatoire de Bucarest a été dépouillé de ses pianos, envoyés pour équiper les institutions prolétariennes de l'URSS. La main du Soviet Suprême s'est enfoncée dans le cou de l'économie roumaine à travers les sovroms: des sociétés mixtes à capital égal roumain et soviétique, créées pour faciliter le paiement des réparations de guerre.

Canal Danube - Mer Noire

La Russie détenait déjà la Bessarabie, mais cela ne lui suffisait pas. Les Russes voulaient également s'emparer du delta du Danube, qui appartient à la Roumanie. Cette région magnifique est en effet très riche en esturgeons, le poisson d'eau douce qui donne le célèbre caviar. Staline rencontre donc Dej, le dirigeant de la Roumanie, et lui ordonne de construire un canal reliant le Danube à la mer Noire à travers la province de Dobrogée. Il ordonna également que le canal soit construit avec les ‘ennemis du peuple’, c'est-à-dire toutes les personnes manifestant le moindre sentiment patriotique. Celles qui se sentaient Roumaines et aimaient leur pays. Dej s'exécute, et des centaines de milliers de Roumaines meurent en travaillant dans des conditions infâmes. Heureusement, Staline meurt avant que les travaux ne soient terminés. Son successeur est trop occupé à asseoir son pouvoir et à se démarquer de Staline pour s'intéresser à la poursuite de ce projet. Les travaux sont alors interrompus.

La construction du canal débuta en 1949, avec des prisonniers politiques des prisons communistes. Les travaux furent suspendus en 1955 et ne reprirent que vingt ans plus tard.

La collectivisation agricole

Le 5 mars 1949, la Russie a décidé la ‘transformation socialiste de l'agriculture’ dans tous les pays qu’elle occupait à la fin de la guerre, la Roumanie compris. Concrètement, toutes les propriétés individuelles de paysans et les fermes devaient être regroupées au sein de fermes collectives, sur le modèle des kolkhozes russes. Cette politique de collectivisation a été mise en place à marche forcée, les paysans étant embrigadés de force dans les fermes collectives, sous la surveillance de la Securitate. En appliquant les règles édictées par la Russie, les autorités ont obligé les gens à apporter directement, sans contrepartie, leurs terres, leur cheptel de trait et le matériel principal, ainsi que les semences et fourrages nécessaires. Les personnes ayant vendu leurs animaux et/ou leurs terres auparavant devaient en rembourser leur valeur au collectif. Réactions: des révoltes éclatent dans la plupart des départements du pays, faisant l'objet de répressions brutales. Les travailleurs des fermes collectives sont transformés en employés de l'État, tandis que les exploitations sont gérées par des fonctionnaires politisés. Le résultat: les rendements, de plus en plus faibles en raison de la mauvaise gestion, entraînent des phénomènes de pénurie. Une pénurie qui a perduré tout au long du régime communiste atteignant son apogée durant les dernières années du règne du Camarade Dictateur Ceauşescu.

Entre 1949 et 1962, le Parti communiste roumain a entrepris le processus de collectivisation, entraînant la confiscation de presque toutes les propriétés agricoles privées du pays et leur intégration dans des fermes gérées par l'État. Le paysan roumain s’est ainsi transformé en salarié de l’État. La collectivisation de l'agriculture en Roumanie, semblable à celle menée en URSS, impliquait l’incorporation de terres agricoles dans des fermes collectives.

La révolution hongroise

En 1956, les Hongroises se rebellent contre le régime communiste. Un gouvernement national formé de communistes repentis prend le pouvoir. Les troupes russes sont retirées de Budapest et même de la majeure partie du pays. Dans un premier temps, les Russes promettent de ne pas intervenir. Mais ils font ce qu'ils savent faire de mieux: quelques semaines plus tard, ils attaquent et mettent fin à l'insurrection hongroise, sans respecter leur promesse. La Roumanie est impliquée en tant que geôle pour les membres éminents du gouvernement, Imre Nagy en tête. À la demande des Russes, ceux-ci sont reçus avec un traitement dégradant. Un fait qui, bien sûr, n'a fait qu'accroître l'antipathie des Hongrois envers la Roumanie.

Imre Nagy (1896–1958) était un éminent homme politique communiste hongrois, président du Conseil des ministres de la République populaire hongroise de 1953 à 1955. En 1956, il devint le leader de la révolution hongroise contre le gouvernement soutenu par les Soviétiques. Pour cela, il fut condamné à mort et exécuté deux ans plus tard.

La fausse indépendance de Ceausescu

Arrivé au pouvoir en 1965, Ceausescu a poursuivi et même accentué la ligne dite ‘nationale’ entamée par son prédécesseur, Dej, durant ses dernières années de règne. La manifestation la plus poignante de cette ‘indépendance’ par rapport à la Russie a été la position adoptée en 1968, lors de l'intervention russe en Tchécoslovaquie. Il a refusé que l'armée roumaine rejoigne l'armée russe. Il a même vivement critiqué cette intervention lors d'un discours public devant une foule qui l'a longuement ovationné. En réalité, rien n'a changé et les relations avec la Russie sont restées les mêmes qu'avant l'invasion. Cependant, en brandissant cette ‘indépendance’, Ceausescu a pu obtenir divers services et relations pour les Russes. Des services et des relations qu'ils n'auraient pu obtenir qu'avec difficulté, voire à un coût plus élevé, s'ils les avaient dûs obtenir par eux-mêmes.

Le pire: cette ‘indépendance’ devient de plus en plus effective pile au moment où il faudrait suivre l'exemple des Russes, c'est-à-dire au moment où Gorbatchev lance son programme de réformes. Conséquence: alors que les privations et la terreur exercées sur le peuple s'atténuaient en Russie, elles s'aggravaient en Roumanie. Et la Révolution a suivi.

Le 20 août 2024 marque le 56e anniversaire de l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, menée avec les troupes des États du Pacte de Varsovie. Moscou avait décidé que le Printemps de Prague, soit les réformes lancées par le Premier ministre Dubček, était allé trop loin et que les réformateurs devaient être punis. La République socialiste de Roumanie, dirigée par Nicolae Ceaușescu depuis à peine trois ans, n’a pas participé à l'invasion, contrairement aux autres pays communistes, et l'a fermement condamnée. Cette position lui valut un large soutien tant en Roumanie qu'en Occident.

La Révolution Roumaine du décembre 1989

Ce fut un moment magique, une insurrection populaire similaire à la Révolution française de 1789. Tout a commencé le 16 décembre 1989 à Timisoara, deuxième ville du pays. Les 17 et 18 décembre, les forces du régime ouvrent le feu sur les manifestants, faisant de nombreuses victimes. Mais les gens ne cèdent pas et ne renoncent pas ; chaque jour, ils reviennent dans les rues plus nombreux et plus déterminés. La révolte se propage dans d'autres villes; le 21 décembre, ce sont les jeunes de Bucarest, la capitale du pays, qui se révoltent. Attaqués et massacrés par les forces du Camarade Dictataeur Ceaușescu, ils sont de retour le lendemain accompagnés par les ouvriers. Le Dictateur est forcé de fuir. Soyons très clairs: le 22 décembre au soir, alors que Ceaușescu est capturé, la Révolution prend fin. Ce qu'il en a suivi, ce sont des manœuvres permettant à Ion Iliescu et à ses acolytes russes de prendre le pouvoir. Conclusion: la Révolution a été détournée au profit de la Russie. Nous reviendrons avec un article racontant en détail comment cela a été possible. Heureusement, à la fin de l'année 1991, la Russie est entrée sous le règne de Boris Eltsine, un dirigeant particulièrement incompétent. Elle n’a donc pas pu récolter les fruits du travail de ses marionnettes. Après la Révolution: L'influence et les efforts de la Russie de retrouver son influence sur la Roumanie fait l'objet de l'article "Roumanie au carrefour: l'Occident ou la Russie".

Chars et milices sur le boulevard Magheru à Bucarest, lors de la révolution roumaine de 1989.

CHAPITRE II: HISTOIRES DE L'OCCUPATION RUSSE 1944 - 1958

‘Amour’ pour la Russie

Des photographies anciennes montrent des foules de gens sur les boulevards poussiéreux de la ville, apparemment ravis d'accueillir les ‘libérateurs’ russes. ‘C’est faux’, me disait mon grand-père triste et résigné. En réalité, ils applaudissaient avec leurs mains et pleuraient intérieurement. Les larmes qui coulaient sur leurs joues n'étaient pas de la joie, mais de la peur de ce qui allait arriver. Ils savaient que l'arrivée des Russes marquait le début d'une période sombre, d'une période trouble qui allait assombrir l'avenir du pays. L'occupation russe de la Roumanie a commencé en 1944, lors de l'offensive du front de l'Est de la Seconde Guerre mondiale, pour durer jusqu'en 1958. Mais le régime communiste mis en place par les Russes a perduré jusqu’à la révolution de décembre 1989.

Le 31 août 1944, l'armée soviétique entre dans Bucarest, huit jours après le coup d'État qui renverse le gouvernement d'Ion Antonescu et amène la Roumanie à se ranger aux côtés des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Bucarest: ‘Davai montre, Davai manteau’

Traduction: ‘Davai’, c’est ‘donnez-moi. Donc, c’est: ‘Donnez-moi ta montre, donnez-moi ton manteau’. Cette réplique est célèbre et provient de l'acteur Constantin Tănase. Un an après l'arrivée des troupes russes en Roumanie, il a ridiculisé l'habitude qu'avaient les soldats russes de confisquer les effets personnels des Roumains. Connu pour son humour satirique, il a utilisé cette expression en russe pour souligner l'humiliation subie par les citoyens sous occupation russe. Après une représentation en août 1945, il a été retrouvé mort deux jours plus tard. Les circonstances de sa mort sont restées mystérieuses. Des historiens pensent toutefois qu'il a pu être victime d'un complot des russes, vexés par ses critiques virulentes du régime. Sa tragédie reste un symbole des risques liés à la liberté d'expression en 1945, avant même le début de la répression à grande échelle.

Il joua jusqu'au dernier moment, le couplet cité dans le titre étant une sorte de chant du cygne pour le grand comédien. L'occupation soviétique — la Russie des Soviétiques — battait son plein, mais le grand Tănase ne pensait pas qu'il devait se taire pour autant. Après plusieurs représentations au Cărăbuș, au cours desquelles le couplet susmentionné fit sensation parmi les spectateurs, ce pionnier du théâtre de cabaret roumain fut arrêté pour avoir chanté "Davai ceas". Dans ce couplet, Tănase apparaissait vêtu d’un long manteau, les mains couvertes de montres. Sous le rugissement de la salle, sans dire un mot, il sortit une énorme horloge de son pardessus et, en la désignant, se contenta de murmurer: «Ça tic tac, je tic tac, ça tic tac, je tic tac.» Deux jours après la dernière représentation de ce type, il mourut. Selon les médecins, à cause d'une pharyngite contractée après avoir bu une pinte de bière trop froide. Une simple douleur au cou, comme on dit... !

Les ‘bienfaits’ de l'occupation: violence, pillage et viol par les soldats russes

Parmi les témoins des événements de 1944 figure le célèbre écrivain Mihail Sebastian, qui a retranscrit dans son journal l'atmosphère sombre de Bucarest sous l'occupation russe. Il décrit le chaos et la peur qui régnaient alors dans la capitale roumaine, insistant sur les scènes de violence et de pillage perpétrées par les soldats russes. Il note: ‘Sauvagerie, peur, méfiance. Les soldats russes violent les femmes... Les soldats arrêtent les voitures, font sortir le conducteur et les passagers, s'installent au volant et repartent. Les magasins sont pillés. Cet après-midi, à Zaharia, trois hommes pénètrent dans un magasin et volent des montres (les montres sont leurs jouets préférés).

Mihail Sebastian (1907–1945) était un écrivain roumain d'origine juive, auteur de romans, de pièces de théâtre et de critiques littéraires. Il fut également un publiciste actif, notamment dans le domaine des chroniques musicales. L'auteur comptait parmi les disciples les plus influents du philosophe Nae Ionescu.

Comment le régime soviétique a été imposé en Roumanie

Sebastian enregistre également d'autres scènes de brutalité, notamment des viols commis par des soldats russes, dont il parle à Dina Cocea, une actrice célèbre à cette époque-là. Son journal dépeint une atmosphère de sauvagerie et de panique, dans laquelle les Roumains vivent sous la menace constante des occupants. Il ne se contente pas de raconter les événements qui l'entourent, il s'interroge également sur l'état moral de la société roumaine à cette époque. Il observe que la Roumanie était plongée dans un état de profonde méfiance, où les relations humaines étaient marquées par la peur et où l'espoir d'une ‘liberté’ durable semblait de plus en plus inaccessible. Bien que certaines de ces images et certains de ces récits soient très directs et brutaux, ils constituent des témoignages précieux sur la manière dont le régime russe s'est imposé en Roumanie et sur les conditions de vie extrêmement difficiles auxquelles la population était soumise à l'époque. Mihail Sebastian est mort lui-même de manière suspecte dans un accident de tramway, quelques semaines seulement après le début de l'occupation russe. Actualité: ce qui se passait hier en Roumanie sous occupation russe se passe aujourd’hui en partie dans l'Ukraine tombée dans les mains des Russes. Les habitudes des Russes n'ont pas changé. Malheureusement.

L'entrée de l'armée soviétique à Bucarest, en août 1944. Sur la photo, un char soviétique circulant sur le boulevard Carol.

CHAPITRE III: L'HISTOIRE, DES DEBUTS JUSQU'AU PACTE RIBBENTROP-MOLOTOV

Les anciennes Principautés Roumaines

Au début du XIV^e siècle, deux Principautés Valaques (les ancêtres des Roumains portaient ce nom) sont créées au nord du Danube. Valachia (plus tard, Ţara Româneasca) et Moldavie sont leurs noms respectifs. À leur tête se trouvaient des dirigeants nommés ‘Voievod’ ou ‘Domn’, choisis par les nobles du pays, appelés ‘boieri’. Vers la fin du siècle, l’Empire Ottoman étend son territoire jusqu’au Danube et cherche à conquérir les deux principautés. Ceux-ci lui résistent avec l’aide de puissances étrangères situées à l’ouest, livrant de nombreuses batailles pendant des siècles. Toutefois, avec le temps, une relation s’établit entre les principautés et l’Empire ottoman: elles paient une taxe annuelle et des cadeaux sont faits aux fonctionnaires de l’Empire. Elles n'ont pas non plus le droit de mener une politique étrangère en nom propre.. En échange, les Principautés conservent leur autonomie interne et le droit de choisir librement leur dirigeant. Mais les sommes à payer augmentent et les interférences des Ottomans dans la politique intérieure et dans la nomination des dirigeants deviennent de plus en plus fréquentes.

"Prince parmi les chrétiens, le plus vaillant et le plus ardent", comme l'appelait l'historien allemand Johannes Leunclavius, Mircea régna sur la Valachie pendant 32 ans, se distinguant comme un excellent dirigeant, par de sages mesures économiques sur qui les prenait, et comme un vrai chrétien, laissant derrière lui plusieurs lieux de culte. Il a réussi les affrontements militaires les plus durs, mais il était également un brillant diplomate, tant dans les relations avec la Hongrie et la Pologne qu'avec l'Empire ottoman. Pour toutes ces raisons, Mircea l'Ancien est resté dans l'histoire comme l'une des personnalités les plus importantes de la lutte chrétienne dans l'espace balkanique, et son règne a signifié plus de trois décennies de dures batailles avec des opposants internes et externes pour la paix et le prestige de la Valachie.

La bataille du Stanileşti sur Prout

Au début du XVIIIéme siècle, l’Empire Russe parvient à étendre son influence sur des territoires proches de la Moldavie. Son dirigeant, Dimitrie Cantemir, y voit une opportunité de se libérer de toute domination ottomane, d’autant plus que les Russes sont de la même religion: le christianisme orthodoxe. Cependant, en 1711 à Stanilesti sur Prout, les forces réunies moldavo-russes sont battues par les Ottomans et le dirigeant est obligé de se réfugier en Russie avec sa cour. Ne faisant plus confiance aux Moldaves, les Ottomans décident de nommer eux-mêmes les dirigeants du pays. Ceux-ci sont recrutés parmi la minorité grecque vivant dans le quartier du Fanar à Constantinople, d’où leur surnom de ‘fanariotes’. Il en va de même pour l'autre Principauté cinq années plus tard.

À l'été 1711, le souverain de Moldavie, Dimitrie Cantemir, participa à la bataille de Stănilești, opposant les Russes aux Turcs, en soutenant les Russes. Bien que la bataille se soit terminée par une paix, les Turcs infligèrent de lourdes pertes aux Russes. Contraint de fuir en Russie, Cantemir vit, à partir de ce moment, les Turcs établir le régime phanariote dans les principautés roumaines, pour la première fois en Moldavie.

La guerre de 1788 à 1792

Elle oppose l'Empire Russe et l’Autriche à l'Empire Ottoman. Sous l'influence de Potemkine, son favori, l'impératrice Catherine II de Russie envisage d'étendre son empire vers le sud. Elle souhaite chasser les Turcs de l’Europe de l’Est pour reconstruire l'Empire Byzantin et le donner à son petit-fils Constantin. Les Principautés Roumaines formeraient alors un ‘Royaume de Dacie’, promis à Potemkine. Au début de la guerre, les Russes remportent plusieurs batailles contre les Ottomans avec l'aide des Autrichiens et parviennent à occuper les deux principautés. Cependant, la Révolution française de 1789 change la donne, car les Autrichiens sont obligés de renoncer à cette guerre pour se concentrer sur la nouvelle menace à l’Ouest. En échange, le Royaume-Uni et la Prusse entrent en jeu pour aider les Ottomans. Un armistice est conclu entre août 1791 et un traité de paix est signé à Iași, le 9 janvier 1792. L’Empire ottoman reconnaît l'annexion russe de la Crimée tandis que la Russie doit évacuer les Principautés Roumaines, qui retrouvent alors leur situation d’avant.

Par le traité de Jassy (Iaşi), signée le 9 janvier 1792, non seulement les Ottomans sont obligés de reconnaitre l'appartenance de la presqu'île de Crimée à la Russie, mais celle-ci annexe un vaste territoire entre le Boug et le Dniestr, avec le littoral de la mer Noire compris entre les embouchures des deux fleuves.

Le vol de la Bessarabie

En 1806, l’Empire russe attaque l’Empire ottoman. Le prétexte: la révolte des Serbes, chrétiens orthodoxes comme les Russes, sous occupation ottomane depuis plus de quatre siècles. Sur le terrain, l'armée russe s'empare des Principautés Roumaines et parvient à joindre les insurgés Serbes. En juillet 1807 à Tilsit, Napoléon Bonaparte et Alexandre Ier de Russie signent un traité prévoyant, entre autres, le retrait des Russes des Principautés Roumaines. Comme d'habitude, ils ne respectent pas cet accord et les Russes occupent les Principautés jusqu’en 1812. L’offensive de Napoléon Bonaparte contre la Russie oblige toutefois les Russes à les libérer cette année-là. Malheureusement, avant de partir, la Russie conclut un traité de paix avec l’Empire Ottoman, obtenant la Bessarabie en corrompant les négociateurs ottomans. La Bessarabie, terre habitée par les Roumains et leurs ancêtres depuis le début de l’humanité, tombe ainsi sous la coupe de la Russie.

Le 16 mai 1812, la Moldavie perdit la Bessarabie, c'est-à-dire les terres situées entre le Dniestr, le Prut et la mer Noire, à la suite du traité de paix de Bucarest conclu entre la Russie et l'Empire ottoman.

'Règlement Organique'

En 1828, l’Empire Russe attaque à nouveau l’Empire Ottoman, cette fois sous le prétexte d’aider les Grecs dans leur combat pour l’independence. En réalité, ce sont principalement les Anglais et les Français qui ont réellement aidé les Grecs, pendant que les Russes profitaient de la faiblesse des Ottomans, contraints de se battre sur deux fronts. Le traité de paix de 1829 à Adrianopole leur permet de s’emparer de la Géorgie, d’une partie de l'Arménie et du delta du Danube. Les Russes occupent ensuite les Principautés Roumaines pendant plusieurs années, prétendument pour assurer le paiement par l’Empire Ottoman de fabuleux dédommagements de guerre. En 1830, l’auteur français Marc Girardin a décrit comment les Russes prenaient tous les animaux aux paysans et humiliaient les nobles roumains. Avant de partir, les Russes ont imposé des lois, nommées ‘Règlement Organique’, qui facilitaient l'assimilation des pays à avenir. Rejeté par l'ensemble de la société roumaine, ce texte a été brûlé publiquement au début de la révolution de 1848.

Le traité de paix d'Andrinople (ou traité d'Edirne) mit fin à la guerre russo-turque de 1828-1829 entre l'Empire russe et l'Empire ottoman. Il fut signé le 14 septembre 1829 par Alexei Orlov et Abdul Kadîr-bei.

L’occupation russe 1848 à 1851

Par la suite, ils ont utilisé tout prétexte possible pour occuper les Principautés Roumaines. La révolution de 1848 fut une. En Moldavie, la révolution n’a pas même eu lieu, car les meneurs ont été arrêtés avant même qu'ils n'aient pu donner le signal de la rébellion. Dans l'autre principauté, Ţara Românească, le début de la révolution fut victorieux: le dirigeant du pays fut déposé et un gouvernement révolutionnaire prit le pouvoir. Par la suite, donnant cours à la demande de la Russie, les Ottomans sont intervenus et ont mis fin à la révolution. Cela n’a pas empêché les Russes d’occuper les deux pays sous le fallacieux prétexte de rétablir l’ordre d’avant la révolution. Un ordre qui n’a jamais été mis en péril en Moldavie, alors qu’il avait déjà été rétabli par les Ottomans en Tara Romȃnească. L’occupation russe prend fin en 1851.

Incendie de la Régulation Organique et de l'Archondologie lors de la Révolution de 1848 en Valachie.

L’occupation russe 1853 à 1854

Deux ans plus tard, en 1853, les Russes repartent une nouvelle fois en guerre contre l'Empire ottoman et occupent à nouveau les deux Principautés. Ce fait, combiné à la volonté de ne pas laisser la Russie poursuivre sa guerre contre un Empire ottoman déjà très affaibli, pousse la France et le Royaume-Uni à déclencher la guerre de Crimée. À la demande de la France, l’Autriche intervient et chasse les Russes des Principautés en 1854. Vaincue en Crimée, la Russie s’engage à ne plus intervenir dans ces deux États. Engagement qu'ils ne respecteront pas, conformément à leurs habitudes.

La guerre de Crimée, qui se déroula du 28 mars 1853 à 1856, opposa l'Empire russe à une alliance composée du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, du Second Empire français, du Royaume de Sardaigne et de l'Empire ottoman. Considérée comme l'une des dernières guerres de religion en Europe, elle visa à stopper l'expansion de la Russie dans la région de la mer Noire.

La tentative d’occupation de 1859

Les élections visant à élire de nouveaux dirigeants dans les Principautés ont eu lieu entre 1857 et 1859. Les patriotes roumains réunis au sein de la ‘Partie Nationale’ mettent en échec les manœuvres des Russes soutenus par les Ottomans. Par la suite, ils réussissent à faire élire Alexandru Ioan Cuza à la tête des deux Principautés. Une union de facto est ainsi créée. La Russie s'y oppose et commence à masser des troupes dans le but d'annuler les élections et de récupérer le pays. Elle déploie de grands efforts diplomatiques pour rallier l'Empire Ottoman et l'Autriche. La France s’immisce alors et arrête brutalement la Russie, l’obligeant à battre en retraite.

Alexandru Ioan Cuza (1820–1873) fut le premier dirigeant des Principautés Unies et du futur État national de Roumanie. Par son élection comme prince de Moldavie le 5 janvier 1859 et de Valachie le 24 janvier 1859, l'union des deux principautés fut réalisée. En tant que dirigeant, Cuza mena une activité politique et diplomatique intense pour obtenir la reconnaissance de l'Union par l'Empire ottoman et les puissances garantes.

La tentative d’occupation de 1866

Cependant, la Russie ne renonce pas et tente d’intervenir en 1866 sous prétexte que Cuza a été déposé et remplacé par un prince étranger. Une fois de plus, la France fait échouer ce plan. Cette fois, elle bénéficie du soutien de la Prusse: le prince appartient à la maison allemande des Hohenzollern et est également officier dans l'armée prussienne.

Charles I-er de Roumanie, prince de Hohenzollern-Sigmaringen (1839–1914), fut le souverain puis roi de Roumanie, prenant la direction des principautés roumaines après l'abdication forcée d'Alexandru Ioan Cuza suite à un coup d'État. Durant les 48 années de son règne, le plus long de l'histoire des États roumains, Carol I-er mena la Roumanie à l'indépendance, renforçant ainsi son prestige, redressa l'économie du pays et dota la nation de nombreuses institutions modernes.

Plevna

En 1877, la Russie entre encore une fois en guerre contre l’Empire ottoman, prétextant la volonté de le punir pour avoir durement réprimé l’insurrection bulgare d’avril 1876. Sur le front du Caucase, l’offensive russe est rapidement bloquée, contraignant la Russie à chercher à ouvrir un deuxième front dans les Balkans. Après avoir obtenu l'accord du prince Carol, dirigeant de la Roumanie, les Russes traversent le pays, passent le Danube et arrivent devant Plevna. Il s'agit d'une forteresse entourée de plusieurs redoutes. Par deux fois, les Russes tentent de la prendre par assaut; chaque fois, ils sont défaits et souffrent de lourdes pertes. Désespéré, risquant d'être repoussé sur la rive droite du Danube, le commandant russe, fils de l’Empereur, implore Carol de rentrer en guerre à leurs côtés. Carol accepte après avoir reçu la promesse de l’indépendance de la Roumanie, et l’armée roumaine rejoint l’armée russe. Résultat: sur la base de la stratégie élaborée par l'ancien officier prussien devenu prince de Roumanie, Plevna tombe après un siège de cinq mois. L'Empire ottoman est contraint d'accepter la paix en acceptant les conditions des Russes. Anecdote: en 1881, Carol est couronné Roi de Roumanie. La couronne n’est pas faite d’or, mais d’acier, provenant de canons turcs capturés à Plevna.

Le siège de Plevna (Pleven) fut une bataille majeure de la guerre russo-turque de 1877-1878, opposant l'armée conjointe de l'Empire russe et du Royaume de Roumanie à l'Empire ottoman. Le tableau illustre l'assaut mené par les troupes roumaines sur la redoute de Grivița lors de la guerre d'indépendance roumaine (1877-1878). La bataille se déroula le 30 août 1877.

Trahison

Les Russes ne respectent pas l'accord conclu avec la Roumanie et occupent les trois comtés du sud de la Bessarabie qui ne sont pas encore sous leur contrôle. En contrepartie, la Roumanie reçoit la Dobrogée, qui était sous domination turque depuis plus de 400 ans. Une grande partie de la population roumaine du sud de la Bessarabie est désormais contrainte de se réfugier ici, en Dobrogea, où les terres sont beaucoup moins fertiles. De plus, la région est habitée par des personnes d'une culture et d'une religion différentes. Soyons clairs: les Russes ont gagné la bataille de Plevna et la guerre grâce à l'apport essentiel de l'armée roumaine et à la stratégie du Prince Carol. En revanche, les Russes reprennent la Bessarabie du Sud à la Roumanie.

L'armée roumaine traverse le Danube en Dobrogée lors de la guerre d'indépendance de 1877.

Le vol du Trésor de la Roumanie

Pendant la Grande Guerre, la Roumanie a rejoint l'Entente formée par la France, le Royaume-Uni et la Russie. À la fin de l'année 1916, l’armée roumaine est vaincue par les Allemands et les Austro-Hongrois qui occupent Bucarest et toute la moitié sud du pays. Les autorités roumaines doivent alors se réfugier à Iași, dans le nord du pays. Il faut également mettre à l’abri le trésor de la Banque Nationale Roumaine, car l'ensemble du territoire est menacé d'occupation. L’option du transfert à Londres est écartée, car la route est jugée trop dangereuse en raison de la menace que représentent les sous-marins allemands. C'est ainsi que la Russie, alliée de la Roumanie, est choisie pour accueillir le trésor. Malheureusement, en 1918, les bolcheviques prennent le pouvoir en Russie et refusent de le restituer. Le prétexte invoqué: ‘Il avait été confisqué à l’oligarchie roumaine pour être un jour restitué au peuple ouvrier’.

Le siège de la Banque nationale de Roumanie photographié en 1917.

Le mensonge

En réalité, la Trésor de la Roumanie n'a jamais été restituée. Les ‘travailleurs’ roumains n'ont jamais bénéficié de cette ‘restitution, bien que le régime communiste ait duré environ 45 ans. Quelle que soit la personne au pouvoir en Russie, le comportement prédateur à l'égard des nations voisines et de leurs biens reste constant. Ce comportement n'est pas le résultat de circonstances politiques, mais il s'agit d'une pratique profondément ancrée dans l'ADN des Russes.

Ancien président du Sénat et de l'Académie, l'historien Alexandru Lapedatu est notamment associé à une question clé de l'histoire du pays : le stockage du Trésor roumain à Moscou.

Menace de l’UE

Le 14 mars 2024, le Parlement Européen a approuvé une résolution dans laquelle il demande à la Russie de restituer l’intégralité du trésor de la Roumanie. L'U.E. pourra utiliser ce document pour imposer des conditions à Moscou lors des négociations qui suivront la fin de la guerre en Ukraine. Si la position de la Roumanie au sein de l’Union européenne est forte, Moscou pourrait être forcée de rendre le Trésor ou de le rembourser à sa valeur actualisée. Conséquence: la Russie a tout intérêt à affaiblir la position de la Roumanie en sein de l'Union européenne, et le Trésor n'est qu'un élément d'un jeu beaucoup plus vaste. La Russie cherchera donc par tous les moyens à diminuer l'influence de la Roumanie et à fragmenter la cohésion de l'Union. Un leadership pro-russe en Roumanie, qui accepte les ordres de Moscou, est le moyen idéal pour atteindre ces objectifs.

Le Parlement européen reconnaît que le Trésor national de Roumanie a été déposé en lieu sûr à Moscou en 1916 et 1917, pendant la Première Guerre mondiale. Il bénéficiait de la garantie du gouvernement impérial russe concernant la sécurité du transport, du stockage et de la restitution en Roumanie. Son non-retour constitue un cas sans précédent d'appropriation illégale de réserves d'or et d'objets patrimoniaux, demeurant un problème de préoccupation constante pour la société roumaine.

Fin de la Grand Guerre

Au cours du premier semestre 1917, l'armée roumaine a été réorganisée avec l'aide d'une mission militaire française dirigée par le général Henri Berthelot. Grâce à cette aide, l'armée roumaine parvient à repousser l'offensive estivale des troupes allemandes et austro-hongroises, en remportant les célèbres batailles de Marasti, Marasesti et Oituz. La victoire est acquise, même si l'armée russe, alliée de la Roumanie, est de moins en moins combative et de plus en plus contaminée par le virus ‘rouge’ du communisme. D'ailleurs, à l'automne, l'armée russe a disparu du pays, ayant laissé place à des groupes de soldats déserteurs s’adonnant au pillage, aux viols et aux meurtres. La Roumanie se retrouve donc seule face aux troupes allemandes et austro-hongroises, ainsi qu'aux bandes de ‘rouges’, les soldats communistes russes. Elle n'a d'autre choix que de mettre fin à la guerre contre l'Allemagne et ses alliés. Un armistice est signé en décembre 1917, puis un traité de paix en juin 1918.

Henri Mathias Berthelot (1871 – 1931) était un général de l'armée française. Pendant la Première Guerre mondiale, il fut chef d'état-major du maréchal Joseph Joffre, commandant suprême des troupes françaises sur le front occidental. Dans la seconde moitié de la guerre, il fut affecté en Roumanie en tant que chef de la mission militaire française. Tout au long de cette mission, le général Berthelot exerça également les fonctions de conseiller militaire du roi Ferdinand, commandant de l'armée roumaine. En reconnaissance de ses services, il reçut les plus hautes distinctions de l'État roumain, fut nommé citoyen d'honneur de la Roumanie et élu membre honoraire de l'Académie roumaine.

Opportunité

Libérée de ses obligations de guerre, l'armée roumaine a pu intervenir et repousser l'offensive de la Russie rouge contre la Bessarabie. Celle-ci avait proclamé son indépendance à la suite de la révolution de février 1917 qui a conduit à l'abdication du tsar et à l'effondrement de l'Empire Russe. Après plus de 100 ans de domination russe, la Bessarabie est revenu à la Roumanie. Cela renforce le statut du pays en tant qu'État unitaire et indépendant.

Général Ernest Broșteanu, Roumanie – Commandant de la 11-e division d'infanterie roumaine en Bessarabie.

La défaite de la Hongrie ‘rouge’

À partir de 1919, Lénine ordonne une vaste offensive ‘rouge’ vers l'ouest afin de faire jonction avec les mouvements communistes en Allemagne et en France. L'Armée Rouge, la nouvelle armée russe, commence l'attaque principale par la Pologne. Une deuxième direction de l'offensive passe par la Hongrie, où un gouvernement communiste est mis en place et qui prend le nom de ‘République hongroise des Conseils’». Les forces russo-hongroises progressent rapidement, occupant de grandes parties de la Slovaquie et des territoires en Transcarpatie (qui fait aujourd'hui partie de l'Ukraine). En Transylvanie, leur offensive est stoppée dans les Carpates occidentales. La contre-offensive de l'armée roumaine, soutenue par des unités françaises, leur inflige une défaite décisive. En août 1919, l'armée roumaine s'empare de Budapest, met fin au gouvernement communiste de Hongrie et vainc le mouvement bolchevique (communiste) en Europe centrale.

Troupes roumaines du 27e régiment d'infanterie devant le Parlement de Budapest.

Le Parti communiste de Roumanie

En mai 1921, la faction communiste prend le contrôle du Parti socialiste de Roumanie et le rebaptise Parti communiste de Roumanie. Ce changement n'est pas accepté par la majorité des membres du parti, qui quittent alors l'organisation pour rejoindre d'autres structures politiques socialistes. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Parti Communiste comptait moins de 1 000 membres et n'avait pas eu d'influence significative sur la vie politique de la Roumanie entre les deux guerres. Deux raisons principales à cela : d'une part, l'afflux de réfugiés de la Russie communiste qui racontent les horreurs de la guerre civile, de la collectivisation forcée, des déportations et de la tragédie de l'Holodomor en Ukraine. La seconde est la politique anti-roumaine de la nouvelle direction, qui prône la dissolution de la Grande Roumanie, résultat de l'Union de 1918 (voire article ‘Alba-Iulia’). Explication: le Parti Communiste de Roumanie a adopté cette politique parce qu'il exécutait les ordres des Russes. La Russie a en effet toujours voulu des voisins faibles qu'elle pouvait dominer. C'est d'ailleurs l'une des causes fondamentales de la guerre de la Russie contre l'Ukraine depuis 2022. C'était aussi l'un des objectifs du pacte Ribbentrop-Molotov entre la Russie, alors déguisée en Union soviétique, et les nazis allemands (voir ci-dessous).

Photo des débuts du parti, le 8 mai 1921. Gheorghe Cristescu, ouvrier de métier, fut le premier secrétaire général du Parti communiste en Roumanie. Parmi les premiers membres se distinguent également des intellectuels tels que Lucrețiu Pătrășcanu, juriste et sociologue, ainsi que l'historien Petre Constantinescu-Iași.

Conclusion

L'histoire des trois siècles de relations entre la Russie et la Roumanie montre que: 1) La Russie a toujours souhaité occuper les territoires habités par les Roumains. Lorsqu'elle y est parvenue, elle les a conservés jusqu'à ce qu'elle soit contrainte d'y mettre fin; 2) Lorsqu'elle ne pouvait pas les occuper pour les exploiter directement, elle cherchait à le faire par l'intermédiaire de dirigeants du pays qui travaillaient en sa faveur. Dej, entre 1948 et 1965, a été le plus important et il l'a fait directement, ouvertement. Ceaușescu, entre 1965 et 1989, a été plus rusé: il était contre eux officiellement, mais leur donnait tout ce qu'ils voulaient officieusement; 3) Chaque fois, l'Occident, la France en premier lieu, a aidé les Roumains à échapper aux Russes. Même Hitler l'a fait en aidant la Roumanie à récupérer la Bessarabie et la Bucovine du Nord au début de la Seconde Guerre mondiale; 4) Aujourd’hui, l’appartenance à l’OTAN et à l’UE est le bouclier qui protège la Roumanie contre la Russie. Plus la résistance de l’Ukraine face aux assauts russes.

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