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ROUMANIE: RETEZAT 1988, QUAND TOUTE A COMMENCÉ

angelogeorge988

Dernière mise à jour : 17 oct. 2024

L’été 1988, Roumanie. Dictature communiste du Ceausescu. Nous, Angelo et George, sommes fans de ‘métal’ – infraction grave dans les yeux du régime. Pratiquants de karaté (des arts martiaux), en dépit de l’interdiction du régime – état de récidive. 18 ans – jeunes, insouciants. Sur un coup de tête, nous décidons d’aller dans le Massif Retezat. Et Retezat nous a changé à jamais; beaucoup de ce qu’on est devenu, ce qu’on a réalisé dans nos vies,  trouve sa source là-bas. Retrouvez ci-dessous l’histoire de ce voyage. 

Rangée arrière: Angelo (deuxième à gauche), George (premier à droite)


L’état de lieu

Roumanie de l’année 1988 est un pays communiste, un régime totalitaire brutal avec Ceauşescu comme dictateur absolu; comparés à lui, Franco, Pinochet, même Mussolini passent pour des anges. Pol Pot pourrait être une référence. Il y a un manque des toutes les choses dans les magazins. Officiellement, le pays produisait le même nombre des divers biens, des aliments et d’autres que la France; gros mensonge : dans les faits, il n’était qu’à 30% tout au plus. Et de tout ce qu’il était produit, la plus grande partie partait à l’export, pour être vendue en dehors de Roumanie. Pourquoi ? Parce que le dictateur avait une marotte : que la Roumanie arrive au point de ne pas avoir aucune dette extérieure. Rien ou presque sur les étagères des magasins de l’état – la propriété privée n’existait pas; un minime nécessaire pour survivre se retrouvait sur le marché grise/noire, le seule qui fonctionne.

Ceauşescu, notre dictateur (à gauche), attendant de la viande (au milieu), faisant la queue pour avoir de l'essence


L’idée de partir

C’était dans l’été: pas de cours, des concerts, des distractions; on s’ennuie très fortement dans une ville grise où il n’y a que des bâtiments d’habitation du moche jusqu’à très moches. Plus de nombreuses usines qui polluent l’air à un niveau qui mettrait dans l’état du mort cérébrale les écologistes d’aujourd’hui. Nous sommes jeunes, sportifs et fans de ‘métal’: le sang bouillonne dans nos veines; on rêvait de faire quelques choses de différent, de spécial. L’idée d’une sortie dans les montagnes s’impose donc comme une évidence; mais où? Roumanie est plutôt bien fourni dans des montagnes, même elles ne sont pas aussi hautes comme les Alpes français. En regardant la carte, on a choisi le massif ‘Retezat’ pour son nom spécial; dans la langue roumaine le mot ‘retezat’ veut dire quelque chose coupé net, adroite et tranchante sur les bords. Étant donné qu’il est situé à quelques 500 kms distance de notre ville (Bucarest, la capitale du pays), c’est mieux - l’aventure est encore plus grande.

L’équipe et l’équipement - la grande ‘débrouillardise’

A la base, l’idée était d’aller nous deux, Angelo et George, et notre ami Tom, éventuellement. Hélas, Tom a cafté à son ami, Cătălin; lui, toute de suite, il a voulu s’impose avec ses deux copains, Gigi et encore un dont on a oublié son nom. Par égard pour Tom on a accepté ; rétrospectif, ce n’a pas été la meilleure décision. Et c’est comme ça qu’on est arrivé à partir six, avec un septième, Dan, qui va nous rejoindre plus tard. S’équiper pour notre voyage dans le massif Retezat a été possible pour nous, étant fans de ‘métal’. Comment ça? Nous, les fans de ‘métal’ roumains, avions choisi de s’habiller en treillis militaires dont on a fait sortir les éléments spécifiques (le cuir était quasiment inexistant dans cette Roumanie - là). Donc, pour se procurer le nécessaire pour la montagne : vêtements, tente, sac couchage, chaussures de randonnes, sac à dos etc. on a fait appel à notre ‘fournisseur’, un officier de ‘paras’. Par la suite, on a été servi avec du matériel militaire première qualité, plus ou moins adaptés aux nos besoins ; moins les sacs à dos qui nous ont fait beaucoup souffrir. En revanche, les bottes de ‘paras’ ont été toute simplement parfaites pour les longues randonnées en montagne; c’est aussi grâce aux eux que cette première voyage fut une telle réussite.

La nourriture

En 1988, Roumanie envoyait à l’export la plus partie de nourriture qu’elle produisait; celle pour l‘intérieur était rationalisé: un adulte avait le droit seulement à 10 pains par mois, 1/2 litre de l’huile, 10 œufs etc. En réalité, une partie de ce qui aurait de l’être exportée était détournée vers l’intérieur. Les nantis, les caciques du Parti Communiste et l’appareil sécuritaire, mangeaient à leur faim tous les jours. Pour les plus c’était un jour sur deux; les autres, un jour sur trois, voire un sur quatre pour les plus démunis. Nous, on a du se débrouiller, bien sûr; en utilisant copieusement les contacts de Catalin - neveu d’une actrice d’un certain succès - et Gigi - fils d’un metteur en scène - on a réussi à avoir un tas de conserves de haricots blancs et rouge avec des petits saucissons. Moi et George, on a trouvé des conserves de poissons en huile (une huile tellement diluée qu’il pouvait facilement être confondu avec du l’eau). Comme ‘sucré’, il y a des ‘confitures’ faites maison; qui n’avait pas de la vraie confiture que le nom: les fruits n’étaient pas mûrs (a part si on attendais qu’ils soient murs, et c’était du perdu - les autorités de l’Etat les prenaient) et à la place du sucre il y a un ingrédient qui lui rassemblait de (très) loin. Des vraies gâteaux, chocolats et d’autres sucreries, nous allions manger pour la première fois après la chute du communisme, du dictateur.

Planche à pain (à gauche), épicerie sans nourriture (au centre), haricots et saucisses en bocal (à droite)


Saut dans le temps

Juin 2012, vacances au Paris - premier «orgasme» culinaire: en mangeant des pâtisserie et viennoiserie dans une Boulangerie quelconque. Le deuxième, en 2014, quand j’ai mangé pour la première fois des biscuits bretons. Vivant aujourd’hui de 9 ans en France, je rentre dans une Boulangerie ou dans une Biscuiterie bretonne comme les croyants rentrent dans une église. Et ma femme me taquine parfois en disant que j’ai choisi de vivre en France pour eux.

Pâtisserie en France (à gauche), abondance de produits (centre), contraste avec la confiserie communiste (à droite)


Le train

Pour nous rendre au massif Retezat, on a dû prendre le train. Les trains ‘rapides’ étaient peu et les places âprement disputées; donc, on est parti avec un train ‘lent’ - vitesse moyenne 40 kms per heure et des arrêts dans (presque) toutes les villes et villages sur sa route. Donc, nous sommes partis à midi pour n’arriver que lendemain matin à notre destination. Surpeuplé, on aurait dû rester debout pour tout le temps de trajet. On n’avait pas acheté des tickets, en se disant qu’on va se ‘débrouiller’ avec le contrôleur (dénommé communément ‘le parrain’); il a reçu un pot-à-vin d’une grande valeur dans ce temps – là: deux conserves et deux bols de ‘confiture’. Par la suite, il nous a même logé dans sa cabine; ce qui nous a permis de se reposer et être en forme pour s’attaquer au trajet jusqu’à la montagne.

Trains communistes (à gauche), gare de Subcetate (au centre) et arrêt de bus Ohaba sous la pierre (à droite)


Mon ticket à prix de deux ‘lions’

On descend dans une petite ville nommée Subcetate; des locaux gentilés nous indiquent d’où prendre le car - un bus des années ‘60 qui nous a déposé quelques dizaines de kms plus loin. D’ici, c’est un deuxième car qui va nous transporter jusqu’au village Ohaba de sub Piatra. Une fois parti, d’une voix forte, le chauffeur nous annonce qu’on doit acheter des tickets de chez lui. Certains s’opposent en disant qu’ils ont déjà acheté avant de monter; il réplique sèchement que c’est lui qui fait la loi dans son car (dans les faits, il n’est qu’un employé de l’entreprise de transport). Donc, qui n’est pas d’accord n’a qu’à descendre. Personne n’est oppose plus, étant doné qu’il est le seul de la journée, et commence à payer; pas nous, qu’on fait fi de sa demande étant placés dans e coin le plus éloigné. Une mamie devant nous passe l’argent a une personne devant elle pour qu’il puisse faire parvenir au chauffeur; et soit le chauffeur lui donne le ticket soit une âme ‘charitable’ a cru recevoir un don. Et la pauvre mamie a passé le reste de trajet demandant à voix haute ou est son ticket de ‘deux lions’ (le nom de monnaie roumaine est ‘leu’, traduction: ‘lion’).  

L'entrée officielle du Parc National Retezat (à gauche) et Halta Ohaba en contrebas de Pierre (au centre et à droite)


Ohaba de sub Piatra – Cȃrnic

Étant arrivés, on trouve qu’il n’y a pas de bus entre les deux localités contrairement aux infos fournies par le téléphone par la mairie de ce village. Dépités, on va au Bar – Tabac qui est aussi le rol du centre social; ici, la solution nous est immédiatement proposée sous la forme d’un grand chariot tirées par deux chevaux. On monte dedans et on part, après avoir payé le conducteur dans la monnaie ‘locale’ – un litre d’eau de vin locale nomme ‘rachiu’; pour nous, on avait acheté plusieurs bouteilles étiquetés ‘Cognac Bachus’ (marque roumaine de ce temps – là qui avait en commun avec le ‘cognac’ seulement le nom); bien qu’on ait payé le prix du ‘cognac’, c’était du ‘rachiu’ ce qui se trouvait pour de vraie à l’intérieur. Quelques kms plus loin, on est demandé de descendre et continuer à pied, car les cheveux ne pouvaient plus tirer le chariot. Par la suite, nous avons fait à pied, mais content qu’au moins nos affaires étaient dedans. Le conducteur est gentil et bavard; il nous parle de la beauté du massif Retezat et raconte ses histoires a lui à la façon d’un ‘contées des fées’.

Cognac communiste Bachus (à gauche) et images d'un archaïsme particulier de Carnic (au centre et à droite)


Premières règles à apprendre

Bien à savoir: en 1988, Cârnic était juste un groupement de quelques maisons servant des abris aux gens qui travaillaient dans l’industrie forestières. D’ici un chemin partait vers Chalet Pietrele (nom en roumainel), balisé avec une ‘bande bleu’. Le chemin existe encore aujourd’hui, même si une route des voitures a été aménagé. Nous nous engageons sur le chemin pour s’arrêter quelques dizaines de minutes plus tard à cause de la faim, le temps étant bien passé de midi. Inexpérimentés, on repart une fois le repas fini. Une erreur, preuve qu’on avance péniblement sur un chemin qui monte très doucement et sans ose aucune difficulté technique. Ce qui nous apprend la règle de ne pas repartir toute suite après un repas, mais laisser passer un petit moment pour que la digestion soit faite. Cătălin et ses amis se mettent à boire, soi-disant pour gagner de la force et résistance; cependant, s’enivrer et l’impossibilité de continuer c’est toute qu’ils obtiennent. Et il se passe pile au moment où on commençait à monter un peu plus soutenu et des premiers amas de cailloux font leur apparition nous obligeant à faire plus d’attention. Donc, nous devons s’arrêter et faire une pause en attendant qu’ils décuvent. Par la suite nous apprenons une deuxième règle: l’alcool et la randonnée (dans les montagnes encore plus) c’est NON.

Le responsable du Chalet Pietrele

Arrivés devant le chalet, on peut finalement se débarrasser de sacs à dos qui ont failli de près de nous casser le dos (on n’est pas habitué à porter de tel machines sur le dos; à ce temps - là, nous employions des cartables pour aller à l’école). Le responsable nous indique des places pour installer nos tentes et nous exhorte de revenir vers lui pour lui parler de nos plans et nos intentions. Après avoir installé le camp, on y reste en ignorant sa demande. C’est lui qui revient vers nous pour engager une conversation; comprenant que c’est notre premier voyage dans les montagnes, il va s’employer à nous apprendre des règles à respecter: toujours s’informer du météo et des conditions de trajet (la durée, les difficultés); l’informer qu’on part et quand on revient (nous sommes en 1988, il n’y a pas de téléphone mobile; si tu te perds dans la montagne, pas possible de demander de l’aide). Et de commencer par des trajets faciles pour s’échauffer avant de s’attaquer au plus difficiles.

Direction: Bucura Lac, lieu-dit ‘Genţiana’

Mais, le jour d’après, nous décidons d’aller vers Bucura Lac, qui nous a été présenté comme incontournable pour toute randonnée en Retezat. Dans un premier temps, le responsable essaye de nous convaincre de faire un autre trajet plus facile pour commencer. Nous nous obstinons à vouloir y aller; on est jeunes, insouciants et nous pensons être dure comme le fer. Face notre entêtement, il renonce et nous parle longuement de comment on doit se déplacer (en ‘colonne’) et techniques de marcher dessus sur les amasses des cailloux et rochers. Des conseils qui vont beaucoup nous aider à atteindre Bucura sans aucun dégât. Et c’est parti... pour vite déchanter; une montée épuisante dans la foret s’en suit sur une pente à forte inclinaison qui semble sans fin. Une éternité plus tard, on arrive dans une clairière, où nous découvrons une source de l’eau et un banc en bois. C’est le lieu – dit ‘Genţiana’ (nom en roumaine; c’est le nom de la fleur qui s’appelle ‘gentiane’ en français). Saut dans le temps: en 2010, en descendant du Bucura Lac, moi et Radu, mon fils aîné, on découvre que la place de ce banc - là, il a été bâti un chalet - Chalet ‘Genţiana’ (lisez ‘Dans le cœur du massif Retezat’). Assis sur le banc, on débât sur la suite: continuer pour George et moi ou retourner pour Cătălin et ses amis. Face à notre volonté, les autres cèdent et nous pouvons partir plus loin.

La découverte des montagnes

Nous continuons de monter, mais plus doucement cette fois; au fil du temps, la végétation change, la hauteur des arbres baisse et d’un coup, on les voit:  les amas de cailloux, les rochers et, au loin, les sommets. La ‘vraie’ montagne vient de se montrer à nous. George et moi, on s’arrête figé sur place comme transformé en statue; c’est le choque, un coup de foudre. De toute notre vie, on ne croyait, on ne s’imaginait pas des tels merveilles. Chaque rocher, chaque amas des pierres nous parlent, nous semblent merveilleux. Les autres ne comprennent pas ce que se passe avec nous; ils ne voient pas, ne réalisent pas comme nous, la grandeur de la montagne, sa beauté sauvage, sa majesté inouïe. Nous essayons de l’expliquer, de les ouvrir les yeux sur le spectacle somptueux devant nos  yeux  c’est peine perdue; au contraire, ils se retrouvent réconforté dans leur opinions que nous sommes ‘bizarres’. Pas grave, nous étions trop époustouflés par la vue pour faire attention aux eux. On continue a avancé comme dans un rêve; le chemin devient plus difficile, de plus en plus on marche sur de cailloux, de moins en moins sur la terre. Nos compagnons grognent de plus en plus fort, face à tant de l’effort physique et d’être attentive pour où et comment mettre les pieds. Moi, je les entend comme une musique lointain auquel je ne fais pas d’attention; George, lui, est totalement transposé dans un autre monde: il saute d’une pierre à l’autre, escalade chaque rocher qui se retrouve sur notre route ou à coté.

Curmătura Bucurei et plus

Finalement, on parvient au pied de la crête nommée Curmatura Bucurei (en roumaine, en original), qui surplombe Bucura Lac. Sans nous attendre, George, comme tiré par une force surnaturelle, commence à monter. Moi, je marche dans ses pas, sans attendre les autres; j’étais sure qu’ils répondront dans un chœur des protestes. Cependant, c’est toute contraire: finalement, ils sont tombes sur le charme des pierres et rochers nous entourant. Et ils entament eux-mêmes la montée en dépit d’une certaine fatigue qu’ils accusaient. Une fois arrivés là-haut, sur la cime de la crête, nous restons tous statufié, regardant incrédules dans toutes les directions. Ce qu’on voit de là-haut surpasse toutes nos attentes. En bas, Bucura Lac, d’un bleu intense, le plus beau qu’on a jamais vue; plus loin, les autres lacs du centre du massif. Vers notre gauche, c’est Peleaga sommet (2509 métrés, le plus haut); vers notre droite, Retezat sommet (2454 métrés, le troisième en hauteur). Les yeux grands ouverts, nous regardons les crêtes à parcourir pour y parvenir ; et les pentes abruptes et pleines des cailloux et des rochers, qu’on trouve qu’elles ont la plus belle couleur grise du monde, parsemées ici et là du vert d’une herbe sortant un peu la tête dans un mer des cailloux. George commence à descendre vers Bucura, mais nos compagnons annoncent qu’ils souhaitent y rester; sage décision, car il nous reste la route de retour et ils doivent récupérer. Moi aussi, je ne peux pas résister à la sollicitation du lac de le rejoindre; arrivés sur ses abords, on le regarde et, assoiffé, on boit sa l’eau. C’est la meilleur l’eau que j’ai jamais bue.

La route vers le lac Bucura (à gauche), le plus beau lac de Retezat (au centre) et les crêtes environnantes (à droite)


Le retour

Pour le retour, on va avec un pas alerte, mais attentivement où et comment on marche; le responsable du chalet nous a fortement averti: le risque d’une erreur, donc d’un accident, augment avec la fatigue. Mais, tout se passe bien et on arrive au Pietrele dans moins du temps qu’on a mis pour aller; nous sommes excités et enchantés tant par les rochers et montagnes du Retezat que par notre aventure. On a poussé nos limites et découverte des merveilles. La vie est belle.

Echéc pour Tăul Galeş

Le jour d’après, George et Tom doivent descendre pour récupérer un ami, Daniel, du village Ohaba de sub Piatră. Je propose aux autres d’aller vers le lac glacier Tăul Galeş (nom en roumain); c’est le trajet qu’on nous a conseillé pour débuter les randonnées dans la montagne; ils acceptent et... on y va. Le chemin monte doucement par la foret et on suit scrupuleusement le marquage ‘triangle rouge’; hélas, à un moment, on le perd et, peu importe nos efforts, on n’arrive pas à le retrouver. Pire, nous ne retrouvons pas ni la route de retour; par la suite, on se balade à droite et à gauche avant d’entrevoir le chalet. Mes compagnons sont fatigués, énervés et commençant à avoir marre de ce voyage; ils m’ont fit connaître leur décision de partir demain pour la maison. Un débat houleux plus tard, je rejoins la tente me demandant sur le marché à suivre pour continuer le voyage. La solution vient d’où je ne m’attendais pas: ‘la belle équipe’.

Le paysage si semblable, avec ses rochers, ses ruisseaux impétueux et sa végétation clairsemée, offre de nombreuses occasions de se perdre.


L’équipe belle’

Elles sont trois, belles et en train de lever leur camp pour aller au centre du massif. Catalin et Gigi, des ‘Don Juan’ autoproclamés, vont toute suite pour les draguer. L’ affaire semblent marcher comme sur des roulettes; ils se séparent avec beaucoup des effusions d’un part et comme d’une autre. Une fois revenus dans notre camp, les deux annoncent la couleur: demain, on partira vers Lia Lac, ayant RDV là-bas. A leur demande, on commence à ranger certaines de nos affaires pour que demain nous soyons en mesure de lever le camp tôt dans le matin. A leur arrivée, George, Tom et Dan sont informés de ce plan et ils réagissent par des acclamations. Et c’est une autre règle qu’on appris dans les montagnes: les filles ont une pouvoir spéciale; un peu de savoir - faire et elles font de nous toute ce qu’elles veulent. 

Trop vite est déconseillé

Le camp est levé tôt dans le matin et on part même sans avoir pris notre petit-déj, sous les yeux rieurs du responsable du chalet; il nous donne les derniers conseils pour le marche et nous indique un élément essentiel pour retrouver Lia Lac: sa forme du triangle. Le seul, dans le nombre de lacs glacier du centre de massif à avoir cette forme. Nous nous mettons en marche et qui prends le devant? Bien sûr que ce sont Cătălin et Gigi qui bougent le plus vite, dopés par leur fantasme sur les filles. Cependant, la montée vers ‘Genţiana’ avec les sacs sur le dos et un rythme inapproprié a raison d’eux; ils se laissent tombés épuisés sur le banc en bois et commencent à paniquer. Par peur qu’ils ne puissent pas tenir jusqu’au Lia.


A nous la commande

C’est le moment pour nous de prendre les rênes et imposer le respect des conseils reçus avant notre départ. Premièrement, on prend un petit - déjeuner copieux; un moment de repos s’en suit après. Nourri et reposé, nous partons en marchant en ‘colonne’, un après l’autre; tour au tour, moi et George, on se positionne en tête et assurons qu’on avance lentement pour économiser nos forces. Il y a toute la journée devant nous pour atteindre notre point terminus; plutôt vocaux au début de marche nous exhortant d’aller plus vite, Catalin et ses amis deviennent de plus en plus mutique jusqu’à se laisser aller vers la panique une fois arriver en haut de Curmatura Bucurei. Quand ils réalisent que Bucura Lac n’est pas proche du Lia Lac et qu’il nous reste encore beaucoup de chemin à faire. Bien à savoir: dans le centre du massif il n’y a pas moins de 8 (huit) lacs lié par un chemin nommé le ‘Circuit du lacs’ balisé ‘point rouge’. Durée: environ 5.00 heures. Cependant, nous devons le suivre seulement jusqu’on arrive au Lia. Catalin et ses amis sont désespérés, lassés par la lourdeur des sacs à dos. Tom lui aussi ne mène pas large, même s’il essaie de le cacher en faisant des blagues, domaine dans lequel il excelle. C’est à nous, moi et George de sauver la situation; on fait une pause prolongée là-haut, sur la crête pour admirer le spectacle magnifiques des montagnes qui nous entourent. Reposés, nourris et un peu réconfortés, on va repartir après avoir transféré une partie de leurs affaires dans nos sacs à dos. Avant ils étaient lourds; maintenant ils sont devenus presque impossible à porter. Toutefois, on arriver à avancer; très lentement, mais on avance. Et mille fois dans nos têtes, nous remercions le Sensei (l’entraîneur) et ses lieutenantes pour la dureté de nos entraînements de karate et les efforts épuisants qu’ils nous les imposaient à chaque séance. Et, petit à petit, la beauté sauvage de la montagne et de ses rochers nous gagnent et nous commençons à oublier la lourdeur de nos affaires et la fatigues de nos muscles. L’eau froide du Bucura Lac nous donne de l’énergie et son bleu irréel de nous aide à repousser plus loin nos limites physiques et psychiques.

La ‘dispute’

Et quand on s’est bien éloigné du Bucura Lac, les autres lacs prennent le relai.  Moi, je trouve que ce devant nos yeux est plus beau que le précèdent; George n’est pas d’accord avec moi, lui campant sur sa position que Bucura reste numéro 1. On se dispute, amicalement, bien sûr; lui, il soutient que la largeur du Bucura fait de lui le meilleur; moi, je soutiens que il y a d’autres critères à prendre en compte, comme le nombre et la forme des cailloux qui bordent les autres lacs. Analysant la beauté des lacs, leur forme, la contraste entre le bleu du l’eau et le gris des pierres qui les bordent, la magnificence de montagne qui nous entoure, on ne voie pas ni le temps qui ne passe ni la route qu’on fasse. Et, d’un coup on se retrouve devant Lia Lac ou deux tentes se dressent fiers devant nous. Incroyable, on l’a fait, on y est arrivé.

L’apprentissage par les filles  

Elles sont là, nous attendant; voyant notre état de fatigue, on nous propose leur aide pour installer le camp. Catalin et Gigi font le coq et refusent. Gentiment, mais ferment, les filles nous apprennent une autre règle: dans les montagnes, on est tous des amis; nous saluons respectueux les autre randonneurs rencontrés sur un chemin et répondons gentiment aux questions posées par eux. S’ils nous demandent de faire ensemble un bout de chemin quand il est commun, nous devons l’accepter sans hésitation. Nous sommes obligés de donner toute l’aide appropriée au ceux qui se trouvent en difficulté. Plus tard, autour d’un feu de camp, on parle aux bâtons rompus; à un moment, moi et George, nous nous éloignons pour aller au bord du lac pour admirer la vue de là-bas. Et un peu parce qu’on a marre d’être spectateurs à la cour fébrile faite par nos compagnons, Cătălin et Gigi en tète.

Les filles font leur choix

Peu de temps après, nous sommes rejoignes par deux filles nous demandant de raconter nos vie de fans du ‘métal’ (de rebelles). C’est à rien comprendre : Catalin et Gigi sont BCBG et savent ‘faire’ avec les filles (d’après eux); nous sommes les ‘ennemi du people’ (c’est à dire, du Parti Communiste). Ceux qui doivent être ‘marginalisés’, éloignés pour ne pas ‘contaminer’ le people avec nos idées de liberté, de l’honneur et liberté d’expression et de se conduire librement. Timide au début, on s’échauffe rapidement en parlant de la musique, des concerts, de spectacle que les guitaristes font sur la scène; nous imitons les mouvements, leur jeu de scène. Pas de quoi mettre la musique, mais on n’a pas besoin; elle résonne dans nos têtes et on offre aux filles un aperçu de ce qui est un concert du ‘métal’. Voyant qu’on les a volés la vedette, Catalin et ses amis passent à la vitesse supérieure: se mettent en petite tenue et annoncent aller se baigner; avant de pouvoir l’empêcher, leur ami X se jette dans l’eau pour sortir immédiatement transi de froid. Essuyage, habillé chaudement, un thé chaud – on évite de peu ce qu’on decouvrira plus tard que s’appelle l’‘hypothermie’. La mascarade prend fin rapidement quand une fille les annonce sans ménagement qu’elles ne sont intéressées par des ‘squelettes’.

‘La bataille’, la séparation et la ‘dispute’ des lacs

BUM pour eux et pour nous aussi ; bien qu’on n’eût pas d’expérience avec les filles, on n’était pas des idiots non plus. Donc, on les informe que nous sommes aussi pratiquants de karaté et on pourra leur offrir un spectacle, ce qu’elles s’empressent à accepter avec des acclamations. Torse nue, on débute par deux ou trois katas (exercice de lutte imaginaire avec plusieurs adversaires) pour chauffer l’atmosphère; s’en suit après une kumite: un combat sans pitié entre moi et George. Les coups pleuvent et les blocages s’en suivent – il n’a pas de cassure; ce qui apparaît comme spectaculaire pour les autres, c’est habituel pour moi et George. Bien qu’on ait annoncé qu’aucun d’entre nous n’a pas gagné, les filles commencent par se faire la gueule, chacune voyant gagnant son favori; pour renoncer très vite et décider de nous récompenser. Et autant dire qu’on a eu très peu de repos cette nuit. Dans le matin, on doit se séparer; leurs vacances ayant pris fin, elles doivent partir vers leur ville. Pas d’échange d’adresses, pas des promesses de revoir; nous sommes en 1988: la Poste met des jours, voire de semaines, pour transporter les courriers entre nos villes (sans avoir la certitude qu’elles soit délivrées dans la Roumanie communiste du paranoïaque dictateur Ceausescu); les textos, les mails, les réseaux sociaux etc. n’existent pas que dans livres de littérature fantastique. Mais c’est une autre promesse qu’on va tenir: monter le sommet Retezat comme elles nous ont recommandé chaleureusement. On se prépare pour partir en randonner et demande aux autres de se décider vite s’ils vont nous suivre ou pas. Ce qu’ils vont faire sans toutefois comprendre comment moi et George, on a encore de l’énergie après une nuit de ‘folies; nous sommes jeunes, sportifs et vivons une expérience incroyable. «C’est la montagne, c’est Retezat», essayons nous leur expliquer (sans grand succès, apparemment). Et c’est parti; on va suivre le ‘Circuit des lac’ jusqu’on rencontre le trajet Bucura – Retezat balisé avec ‘bande jaune’. Et on arrive au Tăul Agăţat (en roumain en original), lac glacier bordé par une montagne comme un mur, ici, moi et George commençons à nous disputer encore une fois. Moi, je soutiens que c’est Lia Lac le plus spectaculaire avec sa forme de triangle, pendant que lui, il trouve que c’est Tăul Agăţat qui fait mieux. Cătălin annonce qu’il ne veut plus continuer avec nous; soi-disant parce qu’il a marre de notre querelle. Faux, bien sûr, car notre ‘dispute’ est plus qu’amicale, chacun chantant des odes à son lac préféré; on va jusqu’à affirmer que l’eau d’un lac a un gout meilleur que l’autre (pure invention, bien sûr, l’eau ayant le même gout partout).

Découvrons la ‘Réservation’ et les difficultés du trajet

Les autres repartent vers notre camp, pendant que nous et Tom continuons vers Retezat; suite à une montée plutôt difficile tant physique que technique, nous parvenons à arriver sur la crête qui surplombe le lac. Une vue magnifique s’ouvre devant nos yeux: c’est la Réserve Scientifique Retezat avec ses rochers somptueuses et ses lacs magnifiques. Et voilà, là-bas, on voit Lac Gemenii (nom en roumaine ) duquel le monde nous a parlé; entouré pour la plupart de rochers, une partie bordée d’un foret. La combination de couleur – gris pour les pierres, bleu pour l’eau et vert pour le foret – enchante nos yeux ; elle nous suivra une partie de chemin vers Retezat nous aidant à affronter… Qui ne sont pas petites, étant donné que le chemin est soit étroite, avec des précipices d’un côté et de l’autre, soit bordé par la montagne d’une part et de l’abysse de l’autre. Maintes fois, on avance en posant les mains sur la roche pour avoir un troisième point d’appui pour garantir notre stabilité. Sans doute, c’est le plus dangereux et difficile trajet fait jusqu’à maintenant et la peur parfois nous tient. Cependant, on ne renonce pas; c’est un gros défi, mais la récompense est devant nos yeux : la beauté sauvage des pierres avec leurs bords aigues qui justifie pourquoi ce massif s’appelle «Retezat». Et quand on arrive dans le Col Retezat, on sait qu’il nous reste une dernière montée avant d’atteindre le sommet. C’est moins difficile, mais plus sollicitant physique; nous y arrivons haletant. Mais ce qu’on voit de là-haut parvienne à nous définitivement couper la respiration.

Sur le sommet Retezat - la révélation

 On voit les belles crêtes et montagnes du massif, des lacs dans la Réservation et même un petit chalet en bois utilisée par des chercheurs. On croit voir, au loin, les sommets Peleaga (2509m) et Papusa (2508), les plus hauts du Retezat. On admire les rochers avec les extrémités tranchantes et les petits points de verdure qui se font apparaitre ici et loin comme pour prouver que la vie peut exister même dans un environnement des cailloux. Et c’est à ce – moment -ci qu’on a révélation. C’est là-haut qu’on finalement mis les mots sur ce qu’il était évident probablement de notre premier trajet vers Bucura: nous sommes tombés amoureux de la montagne et de celle – ci particulièrement; et que c’est pour toujours. C’est le moment quand on a compris que Retezat est devenu notre «montagne de cœur»; que nous ne oublierons jamais. Et que nous ne sommes plus les mêmes d’avant. Que peu importe ce qu’on a fait et qu’on fera dans nos vies (rétrospective: on a énormément accompli et nous réalisons encore, preuve étant ce blog, entre d’autres!); et où nous sommes ou nous nous retrouveront plus tard (et aujourd’hui, moi, Angelo, je suis en France et George en Nouvelle Zélande). Retezat a fait et fera toujours partie de nous ; et une part de notre cœur, de notre âme y reste et restera pour toujours. En dépit de la fatigue, on revient chez notre camp sans aucun souci, car nos cœurs étaient remplis d’amour pour ces cailloux et rochers sur laquelle on marchait; et nous étions toujours dans le respect d’une autre règle de la montagne: quand tu es fatigué tu dois augmenter l’attention et prendre encore plus des précautions pour éviter toute erreur de ta part.

La tricherie

Hélas, une mauvaise surprise nous y attendait: notre nourriture a disparu. Cătălin et Gigi soutiennent sans aucune gêne qu’ils ne sachent rien, que c’était comme ça quand ils y sont arrivés; et qu’ils sont désolé, mais ne dispose pas de suffisamment vivres pour les partager avec nous. Là, je pet un câble et je me jette sur eux; heureusement que George est aussi bien entrainé comme moi et parviens in extremis à m’empêcher les passer au tabac. Et ils partent sur le champ nous laissant démunis dans le centre du massif; Tom va les suivre mais pas avant de nous donner une partie de ses réserves. On se couche ventres presque vides. Demain, nous allons descendre du massif.

Destination: Chalet Buta

Le plus sage aurait été de revenir au Pietrele, mais George impose d’aller vers l’opposite, vers Chalet Buta; soi-disant, pour qu’on explore cette partie du massif aussi. Beaucoup plus tard, il m’a avoué sa peur de tomber sur Catalin et ses amis et de ne pas pouvoir me retenir encore une fois. Ayant les sacs à dos quasiment vides, c’est plus facile de les porter; c’est notre maigre consolation. En partant, on a choisi de traverser une petite colline derrière quoi on retrouve le chemin qui lie Bucura Lac au Buta, balisé avec ‘croix rouge’. En le suivant arrivons dans une grande clairière nommée Poiana Pelegii (en roumaine en original). Saut dans le temps: 23 années plus tard, moi et Radu, mon fils ainé, d’y partons pour un incroyable voyage qui nous a amené sur les plus spectaculaires et difficiles trajets du massif (lisez ‘La Revanche. Retezat 2011’).

Notre ‘Au revoir’ au Retezat

Quelques minutes y passent pendant que nous regardons pour une dernière fois les montagnes, les sommets Peleaga et Papuşa ; même si on ne les voit pas, nous nous imaginons avoir devant nos yeux les magnifiques lacs Bucura, Lia, Tăul Agăţat (et tous les autres aussi). Sans se parler, on se tourne vers eux et on leurs donne ‘Rei’, le salut de karateka, le plus bel hommage qu’on peut les faire. C’est notre ‘Au revoir’. Le reste du trajet est sans histoire, étant du foret maintenant; les rochers ont disparu et les amas des cailloux se font de plus en plus rare jusqu’ils disparaissent aussi. Le chalet nous semble moins imposant que Pietrele, mais le responsable est aussi gentil et accueillant. Hélas, il ne peut pas nous offrir que quelques biscuits à moitié moisi et de l’alcool ‘faites maison’; on mange les biscuits, étant trop affamés pour se faire de soucis. Suivant son conseil, on repart à pied vers le village Cȃmpul lui Neag, plusieurs kilomètres plus loin…

La fin qui est aussi un commencent

Nous étions jeunes, plutôt immatures et sans une réelle perspective sur la vie. Fans de ‘métal’ et pratiquants de karaté, les ingrédients étaient là-bas, à l’intérieur  de nous ; la rencontre avec le massif Retezat a été le choque qui les a fait sortir et mélanger pour constituer la fondation solide sur laquelle on va construire nos vies et nos succes futures (et qui ne sont pas peu!); elle nous a appris que nous étions forts, que rien ne pourrait pas empêcher atteindre nos buts. Qu’il y a dans nous la force et les ressources pour dépasser tous les obstacles et les barrages pour y arriver; toute comme on a réussi tant de fois à repousser nos limites, vaincre notre fatigue et parvenir là-haut. Comme, en décours de seulement quelques jours, nous sommes passés de gens qui ne sachent rien de la montagne à être capable à parcourir des trajets difficiles. Notre premier voyage dans la montagne a pris fin ce soir-là, mais un autre voyage vers une nouvelle vie, une vie ou nous allons appliquer les leçons apprises là-haut vient de commencer.

Epilogue

Nous nous sommes parlé et décidé de y revenir en 2028, avec nos enfants. 40 années plus tard; pour les fêter. Pour boucler la boucle. Pour lui dire: merci beaucoup à toi, notre Retezat chérie.




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