Chinon est une ville où la beauté des lieux se marie parfaitement avec l’histoire de la France. Bien sûr, la Forteresse Royale reste l’attraction principale, mais la ville elle-même mérite d’être découverte. Et la Vienne, la rivière qui la traverse, lui apporte un charme supplémentaire.
En 2020, je m'y suis rendu avec ma femme pour lui faire découvrir ce magnifique coin de la France Elle a été fortement impressionnée et cette visite nous a fait le plus grand bien, nous aidant à guérir des séquelles laissées par le premier confinement pour cause de coronavirus (ou COVID -19). Par la suite, nous sommes revenus quelques mois plus tard, cette fois accompagnés de nos fils pour qu’ils redécouvrent Chinon six ans plus tard, après leur premier passage. Parce que nous, moi et eux, Radu, l'aîné, et Vlad, le cadet, y sommes déjà venus en 2014 lorsque nous avions parcouru le Val de Loire à vélo.
Si en 2020 nous nous sommes logés dans un hôtel, en 2014, étant en été, nous avions installé la tente dans le camping municipal de l'autre côté de la rivière, devant la Forteresse. À chaque fois, nous nous sommes dépêchés d'y aller une fois notre installation complétée; la magnifique vue qu’on avait sur elle depuis nos logements nous incitait à ne pas traîner.
La Forteresse Royale de Chinon
Il ne fait aucun doute qu'elle a été conçue ainsi dès l’origine et qu'elle a rempli ce rôle pendant des siècles, servant de refuge et de place forte aux rois de France et d’Angleterre à certaines époques historiques. Bâtie sur un éperon rocheux dominant la Vienne, elle occupe une position haute, facile à défendre, qui lui permettait de contrôler les routes commerciales terrestres et fluviales.
Premières mentions documentaires
Une première fortification de type castrum romain est mentionnée vers l’année 450, à la fin de l’Empire Romain d'Occident; Entre l’an 500 et l'an 1000, une forteresse a été bâtie peu à peu jusqu’à prendre une forme proche de celle qu’on connaît aujourd’hui. Par la suite, il y a eu encore des ajouts, mais seulement pour renforcer ce qui était déjà en place. Sa période de gloire s’étend de l’an 1000 à l’an 1500; ensuite, elle tombe peu à peu en ruine, dépourvue d’intérêt stratégique et délaissée au profit des châteaux de style Renaissance. Vers 1855, elle attire l'attention de Prosper Mérimée, écrivain, historien et Inspecteur Général des Monuments Historiques, responsable de la restauration de nombreux édifices, dont celui-ci; grâce à lui, des travaux de rénovation sont entrepris suivis de beaucoup d’autres par la suite.
Les trois châteaux
Nous pouvons ainsi admirer aujourd'hui ce site décrit comme composé de trois ‘châteaux’: 1. La Tour du Coudray, facile à reconnaître grâce à sa forme cylindrique; 2. le Château du Milieu ou les Logis Royaux; 3. le Fort Saint-Georges. Personnellement, je préfère considérer la Tour de l'Horloge, la construction la plus haute du site, comme le troisième ‘château’. Chacun d’eux est relié à certains personnages historiques importants, que je mentionnerai brièvement en ordre chronologique.
Le Fort Saint – Georges: les Plantagênet
Les Plantagenêt ont été rois d’Angleterre de 1154 à 1485 et détenteurs de nombreuses possessions en France, assortis des titres nobiliaires correspondants (duc de Normandie, d’Aquitaine, comte de Poitou et de Nantes, etc.). Les fouilles archéologiques entreprises entre 2003 et 2010 sur l'emplacement de l'ancien Fort Saint-Georges ont révélé l'existence d'un palais Plantagenêt daté aux alentours de 1160. On savait déjà que Henri II, qui fut roi d’Angleterre entre 1154 et 1189, avait sûrement séjourné ici à plusieurs reprises. La dernière fois, il y est venu début juillet 1189 pour se réfugier, poursuivi par une coalition entre Philippe II Auguste, roi de France, et Richard Cœur de Lion, son fils, qui voulait lui prendre le trône d’Angleterre. Peu de temps après, il trouva la mort ici, à Chinon, et serait enterré à l’Abbaye Royale de Fontevraud. Aujourd'hui, sur l'emplacement du palais et du Fort Saint-Georges, longtemps disparus, un bâtiment d'accueil (billetterie, boutique) a été érigé.
La Tour du Coudray – Les Templiers
Au début du XIIᵉ siècle, l’Église catholique a fondé l’Ordre du Temple, une armée de moines-chevaliers destinée à protéger la Terre Sainte (la zone où Jésus a vécu sa vie et qui était délimitée principalement par les villes de Jérusalem, Bethléem et Nazareth). Cet ordre était dirigé par un Grand Maître et ses membres s’appelaient les Templiers; soumis aux règles de la vie monacale et âgés de 18 ans minimum, ils ont participé aux différentes croisades. À la suite de plusieurs défaites, ils ont été chassés de Jérusalem et du reste de la Terre Sainte. Vers l’an 1300, les Templiers se retrouvaient en France, où ils représentaient une force considérable (15 000 hommes dont 1 500 chevaliers). Refusant de se soumettre à l’autorité du roi de France, Philippe le Bel, celui-ci ne put que décider de les faire arrêter et de démanteler leur organisation le 13 octobre 1307. Le dernier Grand Maître, Jacques de Molay, et quatre autres dignitaires furent emprisonnés à Chinon pendant quatre mois, en 1308, dans le Tour du Coudray.
Ce fut donc ici qu’ils furent longuement interrogés et qu’ils confessèrent leurs crimes réels ou imaginaires. Plus tard, sur la base de ces aveux, le Grand Maître Jacques de Molay et les quatre autres dignitaires ont été condamnés et exécutés en 1314. La légende nous dit que les graffitis (personnages stylisés, croix, formes géométriques, etc.) que nous voyons dans les souterrains du Tour du Coudray ont été réalisés par les Templiers pendant les mois qu’ils ont dû y passer.
Les Logis Royaux - Jeanne d’Arc
Bien à savoir - à partir de ses 13 ans, Jeanne d'Arc avait dit entendre des voix divines qui lui avaient confié trois missions: 1. lever le siège d'Orléans ; 2. faire sacrer Charles VII à Reims ; 3. faire sortir les Anglais de la France. Au début de l'année 1429, elle partit pour Chinon afin de rencontrer Charles VII, qui vivait des moments difficiles. Roi de France sans être couronné à Reims (comme le demandaient les règles de l'époque), il voyait une grande partie de son territoire entre les mains des Anglais ou de leurs alliés, et le pouvoir qui lui échappait peu à peu. La rencontre entre les deux, à Chinon, est décrite comme une scène mythique connue sous le nom de ‘La Reconnaissance’ (que les historiens toutefois rejettent): le Roi était déguisé en simple courtisan et se trouvait dans la foule qui faisait semblant d'attendre son apparition; Jeanne d'Arc, elle, n'était pas dupée et le reconnut immédiatement. Elle s'adressa alors à lui comme à son Roi. Quoi qu'il en soit, la première rencontre, comme la suivante, se sont déroulées dans les Logis Royaux.
De Chinon, Jeanne d’Arc partit en tant qu'envoyée du Roi à la tête d’un convoi de ravitaillement pour Orléans et parvint à y entrer; encouragés par elle et aidés par ses hommes, les défenseurs de la ville parvinrent à repousser les Anglais et à faire échouer le siège. Forte de son succès, Jeanne d'Arc revient auprès du roi et, ensemble, ils se lancent dans une folle cavalcade à travers les territoires contrôlés par des forces hostiles jusqu'à Reims. Là, Charles VII est sacré roi de France et, à partir de ce moment, il a le dessus sur les Anglais en termes de légalité et de symbolisme. Plus tard, Jeanne d'Arc est capturée par eux et condamnée à mort lors d'un procès truqué, une mascarade qui défie même les bas standards de l'époque. Une erreur: en vie, Jeanne d’Arc aurait pu faire des erreurs et ternir ses exploits passés; morte dans des conditions atroces (brûlée vive sur le bûcher), martyrisée, elle est devenue imbattable. Par la suite, porté par l’élan qu’elle a déclenché, le très capable Roi Charles VII gagnera la guerre contre les Anglais et accomplira la troisième mission de la ‘Pucelle’ (ce qui fut le nom de guerre de Jeanne d'Arc). Des statues à son honneur ont été érigées à Chinon, Orléans, Blois (et dans plusieurs autres villes et villages de France).
La promenade sur la Vienne
En 2014, nous avons eu l'occasion d'effectuer une magnifique promenade en bateau sur la Vienne. Le commandant, très en verve, nous a raconté tant d'histoires et d'anecdotes sur la rivière, la Forteresse et la vie d'antan des gens. Malheureusement, lorsque nous sommes revenus en 2020, cette promenade n'était plus possible en raison des restrictions imposées en raison de Covid - 19. Mais nos souvenirs de la promenade que nous avions faite auparavant étaient encore vifs dans nos esprits. Heureusement qu’aujourd’hui, en 2024, Covid-19 est derrière nous et les promenades sur la Vienne sont de nouveau d’actualité.
Le spectacle de lumières
En 2014, nous avons également eu la chance d’admirer un époustouflant spectacle des lumières à la tombée de la nuit. Malheureusement, il était absent lors de nos visites en 2020 (en raison des restrictions mises en place pour enrayer l'épidémie de coronavirus, bien sûr). Mais aujourd'hui, en 2024, il est de retour et il ne fait aucun doute que les jeux de lumières sont encore plus beaux et plus spectaculaires que ceux que nous avons vus à ce moment-là.
Les remparts
Se promener sur les remparts de la Forteresse, c’est aussi un moyen de se connecter à la vie d’antan des gens qui y ont vécu. De là-haut, on peut voir la cour intérieure et se représenter la place bondée de monde: des paysans, des commerçants, des chevaliers, autre monde. Et si notre imagination n’est pas suffisante, les ‘HistoPad’ qu’on nous prête à l’accueil seront d'une grande aide. Mais il y a plus que ça: en se promenant sur les remparts, on peut s’imaginer les gardes de la Forteresse faisant leur ronde et les batailles qu’ils ont livrées. Et bien sûr, le célèbre siège de 1205, quand Philippe Auguste, roi de France, a pris la Forteresse aux Anglais après l’avoir assiégée pendant neuf mois. Par la suite, il fit ensuite construire la tour Couldray.
La Tour de l’Horloge
C’était la porte d’entrée du château du Milieu/les Logis Royaux, dont elle défendait l’accès au Moyen Âge par un pont-levis doublé d’une herse, les deux éléments ayant disparu depuis longtemps. Avec sa hauteur de cinq niveaux et couronnée d’un chemin de ronde pour les gardes, elle constituait un élément clé de la défense de la forteresse. Du haut de celle-ci, toute la région avoisinante pouvait être surveillée. Aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir des très belles vues sur les alentours depuis cette hauteur; c'est la récompense bien méritée après une montée un peu plus physique.
Son nom vient de l’horloge monumentale qu'elle abrite depuis 1399. Une inscription sur le timbre nous informe du nom du fondeur, Henri Cressaut, et de la date de fabrication, 1399. Les trois fleurs de lys gravées à côté indiquent qu’il a été le résultat d’une commande royale.
Une ville en ‘Tuffeau Blanc’
Bien à savoir: Le tuffeau est une pierre calcaire à grain fin constituée de restes d’organismes et de fragments de roches apportées jusqu’à la mer par des cours d’eau sous forme d’alluvions. La pierre de ‘Tuffeau Blanc’, douce et lumineuse, est la marque distinctive du Val de Loire et le signe de son identité culturelle. On la retrouve utilisée dans de nombreux châteaux, abbayes et autres bâtiments (y compris des maisons d’habitation) des villes et villages de cette région. l va sans dire que Chinon en fait partie, et une balade dans la ville est donc un réel plaisir pour les yeux. La ville étant séparée en deux par la Vienne, la partie où se situe la forteresse est la plus ancienne et la plus intéressante à visiter. Les rues ont l'air de ruelles et la plupart des constructions sont faites en tuffeau blanc. On y trouve des bâtiments qui, chacun, est une merveille en soi.
Bien sûr, nous ne pouvons pas manquer de visiter l’église Saint-Étienne-du-Chinon, édifiée entre 1460 et 1490. Sa façade est percée d’une double porte en anse de panier surmontée de deux accolades à crochets et fleurons. À l’intérieur, nous pouvons observer sept travées, dont les cinq premières constituent la nef et les deux dernières le chœur. Remarquable, la chapelle dédiée à Jeanne d’Arc, canonisée en 1920.
Au revoir, Chinon
Cette église a été le point terminus de notre visite de Chinon. Flâner dans la ville et admirer l'admirable architecture du Val de Loire, si belle et si spéciale, a prolongé l'état de grâce dans lequel la visite de la Forteresse Royale nous a plongés. En partant, nous avons traversé le pont qui enjambe la Vienne et regardé une dernière fois la Forteresse. Ce pont et cette forteresse représentent l'alliance parfaite entre le Nouveau Monde et l'Ancien Monde. Cette dernière image vient rejoindre les autres, gravées dans notre mémoire, qui font que Chinon restera à jamais dans nos cœurs.
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