En Nouvelle-Zélande, le haka est bien plus qu'une simple tradition: c'est une religion, une pratique profondément respectée et vénérée. Il s'agit d'un cérémonial impressionnant aux racines culturelles Maori (les natifs de la Nouvelle Zélande), connu sous le nom de tangata whenua. Le haka est bien plus qu'une danse ou une chorégraphie. C'est l'expression intense du courage, de l'honneur, de l'esprit de guerrier et du respect des ancêtres. Au fil du temps, le haka a été utilisé dans une variété de situations, de la préparation au combat et intimidation des ennemis jusqu'à la célébration des victoires et des événements importants. Aujourd'hui, le haka reste le symbole de l'union et de la fierté culturelle. On le retrouve aussi bien dans les cérémonies officielles que dans les manifestations de la vie quotidienne, créant un lien unique et vivant avec l'héritage spirituel du peuple Maori.
L'histoire moderne du pays a commencé 200 ans auparavant, lorsque les premiers colons anglais y sont arrivés. En revanche, le peuple Maori y vivait depuis plus de mille ans. Leurs traditions, dont le haka, sont profondément enracinées dans le paysage culturel du pays. L'histoire et les traditions Maories se sont mélangées à la perfection avec l'histoire de la Nouvelle-Zélande, et le haka est autant symbolique de la résilience du peuple maori que l'union indéfectible qui les lie à la terre qu'ils habitent. Le haka est plus qu’un dans guerrier qui permet de perpétuer la mémoire culturelle et spirituelle des Maoris. Il est aussi une façon pour les Maori de montrer leur respect envers le passé, le présent et le futur. Selon la tradition Maorie, le haka est une histoire de la Création: Dieu du soleil avait deux femmes. Hine-reumati était sa femme durant l'été et Hine-takurua durant l'hiver. Haka symbolise l'arrivée de Hine-reumati, qui se présente dans les journées chaudes comme une brise matinale. Donc, le premier haka fu fut le Haka du Tane-rore, le son de Hine-raumati, et Tama-nui-te-rā, une danse qui insuffle la vie et l’énergie dans l’air chaud de l’été.
43 ans auparavant
Je me souviens de ma première rencontre avec le haka; une expérience qui m'a beaucoup marqué et qui m'incite à réfléchir au destin qui façonne nos vies. C'était le 21 octobre 1981, un jour d'automne frais et apparemment ordinaire. J'avais 11 ans et j'étais en CM1. Je me rappelle parfaitement du moment où mon père est venu me chercher à l'école plus tôt que prévu, un événement inhabituel qui a suscité un sentiment d'impatience en moi. Nous nous sommes rapidement dirigés vers le ‘Stade National’, connu à l'époque sous le nom de ‘Stade 23 août’, pour assister à un match de rugby entre la Roumanie et équipe de Nouvelle Zélande, les celebres All Blacks. Je ne connaissais rien à ce sport. J'ai regardé les premiers mouvements d'échauffement des joueurs et je me suis demandé, amusé, comment des hommes adultes, apparemment sérieux, pouvaient courir après un ballon ovale qui roulait de manière si imprévisible. Mon père, qui faisait preuve de patience, m'a expliqué les règles de base, et ma curiosité a commencé à prendre forme. Au fur et à mesure que le match avançait, l'énergie que déployaient les joueurs sur le terrain et la dynamique du jeu ont fini par me captiver. C'était une combinaison fascinante de force, de stratégie et de vitesse. Bien que la Roumanie ait perdu 13 à 9, il s'agissait d'une défaite honorable à une époque où notre équipe était respectée sur la scène internationale. Des noms comme Paraschiv, Murariu ou Caragea continuent d'éveiller la nostalgie chez les amateurs de rugby de cette époque. Cependant, le moment le plus mémorable n'était pas le match lui-même, mais les événements qui ont précédé le coup d'envoi. Pour la première et unique fois sur le sol roumain, j'ai assisté à un haka. Le rituel guerrier des All Blacks a eu lieu avec une intensité qui semblait défier le temps et l'espace. En observant les mouvements précis et les expressions intenses des joueurs, même si je ne comprenais pas encore la signification du haka, j'ai ressenti une émotion profonde et difficile à décrire. C’était comme si une force ancestrale et universelle se déversait dans leurs gestes et touchait chaque âme dans le stade. Cette première rencontre avec le haka est restée gravée dans ma mémoire. Le match de 1981, bien que joué au cours d'une année marquée par la controverse et la tension dans le rugby mondial, reste pour moi une fenêtre sur une culture qui allait me fasciner à jamais.
Le Haka dans les écoles néo-zélandaises
Quarante-trois ans plus tard, je me retrouve en Nouvelle-Zélande, citoyen de ce pays, fière de regarder mon fils d'origine européenne exécuter la même danse avec une intensité et un dévouement qui me laissent sans voix. En le voyant sur la scène du festival Pasifika, au sein de l'équipe de kapa haka de la St Peter's High School d'Auckland, j'ai revécu ce moment au ‘Stade National’, mais avec une compréhension bien plus profonde. Je comprends maintenant que le Haka est bien plus qu'un rituel fascinant: c'est un pont vivant entre les générations, les cultures et les expériences qui ont façonné ma vie et celle de ma famille. Le destin a une façon étonnante de relier le passé au présent, et le haka est devenu pour moi un symbole de culture bien plus important. C'est un lien profond entre deux mondes: celui de mes souvenirs en Roumanie et celui de ma vie d’aujourd’hui en Nouvelle-Zélande.
Ka Mate, la version la plus connue du haka
Créé vers 1820 par Te Rauparaha, le chef de la tribu des Ngāti Toa de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande, pendant les guerres des mousquets, Ka Mate est le haka maori le plus célèbre. Elle a ete composé par Te Rauparaha pour célébrer la vie face à la mort après avoir échappé à une dangereuse poursuite par les ennemis des tribus Ngāti Maniapoto et Waikato des Ngāti. Te Rauparaha s'était alors caché sur l'île de Motuopihi, dans le lac Rotoaira, dans une fosse de stockage de patates douces (kūmara), et une femme, Rangikoaea (wāhine en te Reo Māori), l'avait protégé en se plaçant au-dessus de la fosse pour le cacher. Lorsqu'il est sorti de la fosse et qu'il a été accueilli par un soleil radieux, Te Rauparaha a ressenti de la gratitude envers Rangikoaea et son mari, Te Wharerangi. C'est pour cela qu'il a composé Ka Mate en hommage à sa survie et à sa libération. Ce haka a acquis une renommée internationale car il a été joué avant chaque match international de l'équipe nationale de rugby de Nouvelle-Zélande, les All Blacks, jusqu'à récemment. Le ‘Ka Mate’ est ainsi devenu un symbole culturel et sportif emblématique du pays. Je vous ennonce ci-dessous les vers du haka, dans une traduction fidèle du Te Reo Māori, pour ceux qui ne la connaissent pas. Le Haka commence par un appel puissant pour faire monter le courage et la détermination: ‘Laissez grandir votre courage! Ne craignez rien! Méfiez-vous de ces mains hantées, protégez nos femmes et nos enfants! Pour vous, je défie les tempêtes de l'enfer, tandis que mes ennemis restent là, sans savoir ce que je fais! Comment pourrais-je montrer ma peur devant une meute de loups ? Dois-je avoir peur ou m'enfuir ? C'est impossible, car je tomberais sûrement dans la fosse de la honte, pour être mangé joyeusement par les chiens!’. Après ce moment individuel d'appel au courage, vient la partie principale du haka, exécutée collectivement par le groupe, ce qui lui confère une énergie intense et unique: ‘C'est la mort, c'est la mort ! C'est la vie, c'est la vie! C'est l'homme poilu qui a ramené le soleil/Pour qu'il brille à nouveau sur moi ! Alors je mettrai un pied devant l'autre/Jusqu'à ce que le soleil brille encore une fois devant moi!’. Ces paroles sont accompagnées de mouvements rythmiques, d'expressions faciales et d'une énergie viscérale, transformant le haka en un rituel qui unit les participants autour d'une force collective et spirituelle. C’est ce qui renforce leur lien avec la tradition et l'énergie ancestrale.
Kapa o Pango
‘Kapa o Pango’ est l'un des hakas les plus emblématiques de ‘All Blacks’. Créé en 2005 par Derek Lardelli, un artiste et érudit maori, ce haka a été spécialement conçu pour mettre en lumière le lien profond entre l'équipe et la culture Maorie, tout en exprimant la puissance et l’unicité de l‘équipe nationale du rugby. ‘Ka Mate’ a été le haka traditionnel des All Blacks, utilisé pendant plus d'un siècle; ‘Kapa o Pango’ est le haka d’aujourd’hui, qui porte un message plus contemporain et plus profond, reflétant l'identité et les valeurs actuelles de l'équipe. Son nom, Kapa o Pango, qu’on peut traduire par ‘l'équipe noire’ ou ‘le groupe noir’, fait directement référence à la couleur emblématique des uniformes de l'équipe symbolisant son unité et sa force. Ce haka commence par des mouvements puissants et synchronisés, accompagnés de paroles qui évoquent l'esprit d'équipe et la détermination à relever tous les défis. L’apogée du haka est celui où les joueurs se touchent la poitrine avec leurs mains, symbolisant l'union des cœurs et des esprits, un acte qui renforce le lien collectif. Cependant, la conclusion du haka, où les joueurs miment une coupure de gorge a suscité des controverses au fil des ans, certains y voyant un acte d'agression. Soyons très clairs: ce geste doit être appréhendé a travers le prisme de la culture et les traditions Maori. Il incarne la puissance de la vie et constitue une déclaration de force et d'engagement total sur le terrain. Le ‘Kapa o Pango’ transcende la simple démonstration de force physique; c'est une déclaration culturelle qui réaffirme l'identité des All Blacks en tant qu'ambassadeurs de la Nouvelle-Zélande et des traditions Maories. Ce haka inspire le respect et l'admiration à travers le monde, se posant comme un symbole d'unité et d'énergie collective. Voici les paroles de ce rituel guerrier: ‘Laissez-moi ne faire qu'un avec la terre! C'est notre terre qui gronde. C'est mon temps qui est venu! C'est mon heure! Nous allons triompher! Je m'imprègne de l'énergie que nous avons créée, qui nous définit en tant qu’All Blacks. La passion nous enflamme, c’est l'esprit de notre équipe. La Terre va s’aplatir restera devant nous! La fougère argentée! All Blacks ! Nous sommes la fougère argentée, nous sommes All Blacks!’.
Le rituel unissant les générations
Le haka possède un pouvoir symbolique remarquable, capable d'unir le passé et le présent, ainsi que diverses cultures et générations de personnes. Depuis 23 ans que je vis en Nouvelle-Zélande, j'ai eu le privilège de connaître le haka dans d'innombrables contextes, chacun révélant une facette différente de ce rituel profond et vibrant. J'ai assisté au haka lors des matchs du ‘All Blacks’, où il devient une déclaration de force, d'unité et de respect, électrisant tant les joueurs que les spectateurs. Je l'ai également vu lors de mariages, où le haka exprime la joie, la bénédiction et le soutien de la communauté aux nouveaux époux. Lors de funérailles, il revêt une solennité particulière, devenant un hommage émouvant au défunt, un appel aux esprits des ancêtres et un pont entre le monde de vivants et celui de ceux qui ont passé. J'ai connu le haka au Parlement, symbole du respect des racines culturelles de ce pays, mais aussi dans les lycées, où les jeunes revendiquent avec fierté leur héritage Maori. Quel que soit le contexte - inaugurations, grands matchs sportifs, adieux ou la cérémonie de la naturalisation - le haka trouve toujours sa place dans la vie de la Nouvelle-Zélande, apportant avec lui énergie, solennité et célébration du vivant.
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