top of page
angelogeorge988

AKILI

Dernière mise à jour : 30 juin 2024

Il parcourait attristé la voie étroite. C'était dans le crépuscule et les papillons bleus délaissaient son chemin pour fuir vers nulle part. L’abys lui surveillait chaque pas, à gauche, à droite, partout autour de lui, toute en étant fatigué et un peu surpris. Il s'était trop éloigné du chemin habituel.

Les mules y passaient, muettes et inconscientes, suivant le chemin d'un pas égal à lui-même, toujours le même. Il ne savait plus pourquoi il grimpait toujours. Il ne devinait non plus pourquoi il y avait un papillon de cette couleur. Et la rumeur, cette rumeur – là, il ne se sentait plus capable de la cacher dans son âme perdue. Des pierres usées par les intempéries sortaient cassées d’en dessous de semelles de ses bottes, toutes en étant contentes de lui ralentir son supplice, heureuses de ruiner ses souhaits. Ici, à travers les Andes péruviennes, le seul moyen de transport était l'âne. Dans le paysage rude et froid, on s’émerveillait de la cadence des sabots de cet ami aux grandes oreilles sur les sentiers trop souvent vissés dans l’immobilité des pierres volcaniques. Des roches volcaniques pauvres et follement riches dans le même temps, sillonnées d'une irisation et d'une lueur aiguë, vaincues par un hiver comme un ciguë. Hélas, il n’avait pas ce soi-disant ami et marchait avec un pas lourd, plus fatigué que jamais. Les voies pour y accéder semblaient avoir été coupés par une scie gigantesque, comme elles étaient tellement perdues dans les hautes montagnes. Les montagnes elles-mêmes lui paraissaient verdâtres, noires, peut-être un peu jaunâtres, avec des taches plutôt blanches, qui ne pouvaient être que de la neige. Ou peut-être du sel, ou même des nuages. Il va devoir arrêter une décision, une très importante même. Il ne cessait pas de réfléchir à la manière de commencer ses voyages. Parcourir le monde du fond au comble était son plus grand désir et il le mettrait en œuvre un jour. Mais pourquoi partir exactement d'ici et toute suite, il n'aurait pas pu le dire; toute de même comme pourquoi l'impatience le rongeait jusqu’à os, tendant ses nerfs à l’extrême. Il arrivât devant sa tanière en pierre et regarda encore une fois le ciel. Les étoiles avaient aligné leurs Voies lactées se retraçant superbement leurs trajectoires. Leur grand nombre lui éveillait les sens, tous ses sens. Il réfléchissait dans leur place, il vivait à leurs côtés, il mourait peu un peu avec elles. Il les sentait proches de lui, ciblant sa vie compliquée pour la mettre au-devant de toute le monde. Il entra par la petite porte, alluma une petite bougie en cire et fait son lit. Personne n’avait pas marché par ici, sauf deux bergers avec leurs lamas en transhumance vers les touffes d'herbe dans le nord. Il croyait les voir là, silencieux et inconnus, dans le coin le plus sombre, dormant par terre, rêvant des rêves des jours beaux. Dans l’âtre, il alluma un feu timide et une lumière naquît aussi dans son cœur. Il s’est vu prononcer une résolution, comme dans une sage promesse de la vie et du bien. Soudainement, il avait réalisé qu’il partirait pour le voyage de sa vie. Et qu’il donnerait son nom partout dans le monde, en toutes circonstances, dans toutes les occasions. Il rencontrerait des gens, avec leurs peines et leurs joies, il traverserait les époques et prononcerait son nom avec ceux de ses amis. Cela commencerait à partir de demain, puis de l’après-demain. Un autre demain, puis de l’après-demain les suivraient. Toujours en le pensant très fort, Akili s'endormit en rêvant.

5 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

FILIP

ALEODOR

LE CAILLOU

コメント


bottom of page