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LA ROUTE VERS MASSIF PIATRA CRAIULUI

En été 2012, en Roumanie, nous formions déjà une équipe bien rodée grâce à de nombreuses randonnées en montagne et des balades à vélo sur des chemins difficiles. «Nous», c'est-à-dire moi, Radu, mon fils aîné et Cătălin, son copain. J'ai donc choisi de faire quelque chose d'inoubliable avec eux, qui les marquerait à jamais: parcourir la crête de la montagne la plus difficile du pays, le massif Piatra Craiului. Mais cela ne se fait pas à la légère, il faut s'y préparer. Au programme: une longue randonnée dans le massif de Ciucaş et une sortie à vélo difficile. Pour maintenir la forme, nous allions également faire une petite randonnée près du village de mes beaux-parents, dans des collines environnantes. Je vous raconte ci-dessous les étapes de notre préparation.


Jour 1 - Le Massif Ciucas

Même si c'est une petite montagne, plus proche d'une colline que d'un massif rocheux, celle-ci reste un beau site avec des paysages à admirer.

Les Carpates de la Roumanie. Massif Ciucas est situé dans la courbure.
Les Carpates de la Roumanie. Massif Ciucas est situé dans la courbure.

Comme mes beaux-parents habitaient à environ quinze kilomètres de là, nous avons pu l'explorer et la connaître sous tous ses aspects. Dans le cadre de notre préparation, nous avons donc choisi un trajet qui nous permettrait de longer la crête de la montagne. Bien que principalement physique, celui-ci présentait toutefois quelques points de difficulté.

En haut: Massif Ciucas.
En haut: Massif Ciucas.

Le trajet, balisé «croix rouge», part de la ville de Cheia, une station touristique située au pied du massif, et va jusqu’au sommet de Gropşoarele (1 883 mètres), le deuxième plus haut sommet du massif. Il faut compter environ six heures pour l'effectuer. Nous sommes trois humains et Maxi, le chien de Radu. «J'ai donné pour mission à Maxi de vous défendre contre les animaux sauvages et de vous aider à ne pas vous égarer», s’esclaffe ma femme. En réalité, quand il a vu que nous nous préparions à partir, Maxi est monté en voiture. À coups de forts aboiements, il nous a fait comprendre qu'il ne comptait pas nous laisser partir sans lui. Pas de souci: il est déjà venu plusieurs fois avec nous en balade, autant dire qu'il est un randonneur expérimenté.

En haut: Radu avec un t-shirt blanc et Catalin avec un t-shirt vert. En bas: Maxi.
En haut: Radu avec un t-shirt blanc et Catalin avec un t-shirt vert. En bas: Maxi.

D'autant plus qu'il a un avantage sur nous grâce à ses quatre pattes, alors que nous n'avons que deux jambes. Il impose donc le rythme, et autant dire que c'est plutôt……sportif (hi, hi, hi)! Il nous fait alors avancer à toute vitesse dans la première partie du trajet, à travers une forêt dense. Une fois sortis de celle-ci, nous continuons vers la crête sur un chemin de terre bordé de petits sapins, alors que nous approchons des 1,600 mètres d'altitude. Heureusement, ils sont suffisamment proches les uns des autres pour nous offrir un abri lorsque la pluie, brève mais intense, nous surprend.

Par la suite, le chemin devient glissant et donc un peu plus dangereux qu'à l'accoutumée. Autrefois, cela aurait pu constituer un obstacle ou une nuisance, mais nous le considérons maintenant comme un avantage: le parcours devenant plus difficile, notre préparation sera plus appropriée. Et quand nous passons à côté d'un énorme bloc rocheux, nous poussons un grand «hourra» de tous nos poumons. C'est l'occasion idéale pour une séance d'escalade à l'improviste.

En effet, nous savions déjà que nous allions souvent grimper dans le cadre de notre voyage dans le massif Piatra Craiului (voir l'article «Massif Piatra Craiului: l'apprentissage»). Cela tombe donc à pic pour notre préparation. Et comme pour confirmer que la chance sourit aux courageux, qu'y a-t-il au sommet de ce bloc de pierre? Des Edelweiss, des fleurs très rares, belles et précieuses.

Malgré nos nombreuses sorties dans le massif, c'est la première fois que nous avons la chance de les observer. Émerveillés par cette rencontre inattendue, nous continuons notre trajet et atteignons la crête. Le chemin sur la crête monte et descend parfois doucement, parfois plus abruptement. Depuis là-haut, nous admirons le spectacle offert par la végétation verte, les vallées qui s'étendent à nos pieds, ainsi que le sommet Zăganu signalé simplement par une pyramide de pierre.

Nous arrivons ensuite au passage considéré comme le plus difficile à traverser du massif. Il est assuré par des chaînes suspendues dans la roche, d'où son nom: «Les Chaînes». Pas de souci pour nous, car nous avions déjà parcouru ce chemin à plusieurs reprises auparavant. Ni même pour Maxi, qui, grâce à sa dotation de type 4x4, s'est senti en sécurité pendant tout le trajet!

En continuant d'avancer sur la ligne de crête, nous repensons aux bons moments que nous y avons passés lors de nos randonnées passées (histoire à venir). Par moments, quelques gouttes d'eau tombent, nous obligeant à garder nos imperméables sur nous. Nous atteignons enfin le sommet de Gropşoarele, avec une pointe de tristesse de constater que rien n'a changé depuis la dernière fois: le sommet est toujours marqué par un poteau sur lequel est fixé le même panneau rouillé.

Depuis, le temps a passé et aujourd'hui, le poteau affiche un magnifique panneau. L'histoire de ce panneau témoigne du chemin parcouru par la Roumanie: appauvrie et défigurée par 45 années de communisme, le pays a mis beaucoup de temps à se remettre de cette période sombre, mais y est finalement parvenu. Nous nous arrêtons plus longtemps au pied du poteau pour nous reposer et manger le repas du soir.

Le trajet jusqu'au chalet Montagne Rouge (Cabana Muntele Roșu en roumain) ne nous pose aucune difficulté, si ce n'est la distance d'environ 4 kilomètres qu'il nous reste à parcourir. La descente vers le chalet, situé à environ 1,288 mètres d'altitude, se fait doucement, car nous sommes fatigués. Toutefois, Radu et Cătălin grognent, mécontents: la pluie a rendu l'herbe mouillée et ils ne peuvent plus descendre la pente en tournoyant et en roulant par terre, comme ils l'ont fait par le passé.

Chalet Mountain Rouge.
Chalet Mountain Rouge.

Pour les consoler, je leur achète les cornets les plus gros avec le plus de boules de glace possible, une fois arrivés au chalet. Et ils nous les ont servis avec des drapeaux, le drapeau de la France. Une prédiction : deux ans plus tard, nous déménagerons définitivement de Roumanie pour la France.

Jour 2 – Les Pierres Écrites

Mes beaux-parents habitaient dans la commune de Măneciu, dans le département Prahova. C'est une belle localité entourée de collines, d'alpages et de forêts. Avec Radu, mon fils aîné, et ses copains d'enfance, nous avons pratiqué de nombreuses randonnées dans les environs pour faire du sport, nous amuser et nous enivrer de la beauté des paysages. Mais aussi pour découvrir ses trésors cachés.

Măneciu vu depuis la colline.
Măneciu vu depuis la colline.

L'un d'entre eux s'appelle «Les Pierres écrites», dont la légende raconte qu'elle avait été le théâtre d'une bataille de la Première Guerre mondiale. La vérité est toutefois un peu différente: en 1915, une unité de l'armée roumaine y avait fait des préparatifs de combat en prévision de l'entrée de la Roumanie dans la guerre aux côtés de la Triple Entente (France, Royaume-Uni, Russie) en 1916. Avant de partir, ils ont gravé leurs noms et leurs grades sur les trois blocs de pierre pour marquer le moment. Avec le temps, personne n'a pris soin de les conserver, et ce lieu est devenu une sorte de curiosité locale, un sujet de conversation entre les habitants, à mi-chemin entre le réel et la légende.

« Pierres écrites », à l’époque.
« Pierres écrites », à l’époque.

Moi, Radu et ses copains avons découvert ce lieu et y avons fait plusieurs randonnées, autour et vers lui. L'un de ces enfants, devenu adulte, a peut-être eu l'initiative de redonner vie à cette place et de la faire figurer sur la carte. Aujourd'hui, les blocs de pierre ont été nettoyés et rangés, et un chemin balisé relie la gare de Măneciu Pămȃnteni à leur emplacement. Un autre chemin balisé traverse plusieurs collines de la région et permet aux randonneurs de découvrir ces blocs de pierre en parcourant ce trajet.

« Les pierres écrites », aujourd’hui.
« Les pierres écrites », aujourd’hui.

Nous n'étions que trois pour cette balade: Radu, Cătălin et moi. Trois humains et un chien, Maxi, plus que ravi de marcher à nos côtés une fois de plus. Le soleil brillait très fort, et pour éviter une insolation, nous avons emprunté un chemin sinueux qui nous a menés à travers des zones boisées. Nous faisons ainsi d'une pierre deux coups: nous nous protégeons de la canicule tout en rallongeant significativement la randonnée. Cela tombe à pic, c'est exactement ce qu'il nous fallait pour parfaire notre préparation. Et pour le plaisir de Maxi qui court heureux autour de nous.

Nous montons doucement et pénétrons peu à peu dans la forêt profonde, où les arbres sont de plus en plus grands et imposants. Cette forêt appartient à l'État, mais les habitants ont le droit de cueillir des champignons, des fruits des bois et des branches d'arbres tombées au sol, uniquement pour leur consommation personnelle. Petit, Radu disait qu'il était riche, car son grand-père avait une forêt et, à chaque fois qu'il s'y rendait avec lui, ils en revenaient avec quelque chose cueilli sur place.

Il n'y a pas de chemin précis à suivre, mais nous évoluons dans un territoire que nous connaissons bien. Nous les avons parcourues des centaines de fois, en toutes saisons. Nous y avons nos propres repères: certains arbres, buissons, etc., ce qui nous permet d'atteindre le site en restant à l'ombre, dans la forêt pour la plupart du trajet. Une fois arrivés, la première chose à faire est bien sûr… la séance photo. Nous faisons ensuite un pique-nique, car il est déjà passé midi. Puis, nous faisons une sieste à l'ombre, en attendant que le soleil brille moins fort au moment de notre retour.

Maxi, comme à son habitude, a dédaigné la nourriture pour chiens et, malgré nos insistances, il lorgnait tellement sur la nôtre qu'on a dû la partager avec lui. Après tout, il nous a accompagnés dans tellement de randonnées qu'il est devenu presque humain lui-même. Il est jeune, il a quasiment le même âge que les enfants, d'où leur grande complicité. Et sur la route du retour, ils s'amusent tous follement avec une petite balle en caoutchouc et courent avec lui, même quand la pente est un plutôt abrupte.

Pour le retour, nous avons choisi un chemin qui nous ramène directement au village. Notre balade a certes été plus courte que la précédente dans le massif du Ciucaş et elle ne nous a posé aucune difficulté physique. Mais nous avons pris beaucoup de plaisir à nous promener à nouveau dans les environs de ce village que nous aimons tant. Cette randonnée nous a également confirmé que nous étions en très bonne forme physique et que nous pouvions marcher longtemps. Nous sommes donc prêts à nous attaquer au massif Piatra Craiului.

Mais notre préparation ne s'arrête pas là. Il y aura une troisième journée de préparation, une autre balade, cette fois à vélo.


Jour 3 - vélo

La balade du jour: traverser une colline, se rendre à la commune du Ceraşu, monter vers le village du Slon et au-delà de celui-ci, puis revenir vers le barrage de Măneciu et enfin regagner la maison, le tout en faisant une belle boucle. Nous ne connaissions que partiellement ce trajet, la partie au-delà de la commune de Ceraşu étant une nouveauté pour nous. Ce sera donc une séance d'entraînement et une découverte à la fois.

Depuis la maison, nous descendons jusqu'au lit de la rivière Teleajan, puis nous arrivons devant un tunnel qui traverse les collines et nous fait sortir sur une route menant à la commune de Ceraşu. Traverser le tunnel est une aventure en soi, car il est plutôt destiné à l'entretien des installations le long de la rivière qu'à la circulation des piétons. C'est pour cette raison qu'il est plongé dans le noir. Pas de souci pour nous: nous savions à quoi nous attendre et nous nous étions munis de lampes frontales.

Les enfants s'amusent comme des fous en se prenant pour des explorateurs de grottes en montagne, des spéléologues, mais à vélo! Une fois sortis du tunnel, nous empruntons la route des voitures en direction de Ceraşu. Nous traversons la commune en admirant de belles maisons et en saluant poliment les habitants. En poursuivant notre route vers le village de Slon, nous observons quelques phénomènes karstiques étranges.

Une fois arrivés à Slon, nous demandons conseil pour la route à suivre. Les habitants nous indiquent deux possibilités: l'une est en pierre, l'autre est en terre, mais elle est devenue boueuse à cause des pluies des jours précédents. Nous choisissons la deuxième option: puisque nous sommes venus pour nous préparer, autant faire quelque chose de difficile. Mais la description était trompeuse: en réalité, nous nous retrouvons vite dans un véritable marais où les pieds s'enfoncent jusqu'à la cheville, voire plus, à chaque pas. Têtus, nous ne renonçons pas et avançons péniblement, tirant les pieds dans la boue comme s'il s'agissait de poids de plusieurs dizaines de kilos. Nous poussons aussi nos vélos par le guidon, contents qu'ils ne s'enfoncent pas autant que nos pieds. En résumé, nous voulions relever un défi, nous l'avons obtenu.

Après plus d'une heure et plusieurs centaines de mètres, nous atteignons enfin des terres stables. La première chose à faire est bien sûr de se nettoyer. Une fois propres — cette affirmation est à prendre avec prudence —, nous enfourchons nos vélos et continuons à monter en direction du croisement avec la route qui, à son tour, monte de l'autre côté de la colline depuis le barrage de Măneciu. Selon les dires des locaux, cela devrait se situer à proximité de la sortie de la «boue» et, de là, nous commencerons finalement à descendre. Raté: plusieurs kilomètres plus loin, nous continuons toujours à monter. Cătălin plaisante en disant qu'il aime bien que nous descendions toujours vers le…haut. Heureusement, les beaux paysages qui nous entourent nous enchantent et nous font oublier la douleur et les efforts fournis.

Car, bien que la pente soit légère, nos jambes, durement éprouvées par la route «boueuse», souffrent tout de même. Finalement, nous arrivons au croisement avec la route que nous cherchions. Celle que nous avons empruntée jusqu’à présent continue vers Tabla Buţii, mais la suite est désolante: elle monte et monte, et à perte de vue, il n'y a que des champs et des collines, avec très peu d'arbres. Il est donc clair qu'il faut emprunter une autre route pour aller au Tabla Buţii, où se tiendra la cérémonie prévue début août (lisez «Voyage au Tabla Buţii»). En revanche, en allant vers le barrage, on trouve beaucoup d'arbres, ainsi que quelques constructions en bois rudimentaires destinées à la chasse.

Radu et Cătălin se donnent à cœur joie à monter et descendre, improvisant un jeu «la proie et le chasseur». Une fois leur partie terminée, nous dévalons la pente abrupte à toute vitesse sur nos vélos. Mais ce n’est pas pour longtemps, car la beauté du paysage nous impose une halte au point nommé «Belvedere barrage Măneciu». Il s'agit en effet d'un point de vue panoramique sur le barrage et son lac d'accumulation. Une séance photo s'impose bien sûr pour immortaliser ce magnifique paysage, mais aussi pour marquer notre balade de la journée.

Barrage Măneciu et nous, Angelo, Radu et Cătălin.
Barrage Măneciu et nous, Angelo, Radu et Cătălin.

Celle-ci prendra fin quelques kilomètres plus loin, quand nous rentrerons à la maison. Fatigués, mais très heureux, nous nous considérons fin prêtes pour affronter la ligne de crête de la montagne la plus difficile de Roumanie, le Massif Piatra Craiului.

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