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angelogeorge988

POKAREKARE ANA: L'HYMNE DU CŒUR DE LA NOUVELLE-ZELANDE

‘Pōkarekare Ana’, c’est est l’hymne officieux du pays, le chant du cœur de tous les Néo-Zélandais et au-delà. Cette mélodie touche les profondeurs de l'âme et éveille des émotions bouleversantes ainsi que de bons souvenirs. À chaque note, la chanson réaffirme les liens entre les Néo-Zélandais, renforçant une unité émotionnelle qui transcende les générations. Ce chef-d'œuvre musical est bien plus qu'une simple histoire d'amour. Ayant ses racines dans le tumulte de la Première Guerre mondiale, il est devenu une ode à la nostalgie et à la dévotion. En évoquant les sacrifices des soldats kiwis tombés au front, la mélodie fait écho à l'amour et au chagrin, les deux unis dans un hommage inoubliable à la mémoire de la nation. ‘Pōkarekare Ana’ dépasse le statut de simple chanson: c'est un reflet de l'âme collective de la Nouvelle-Zélande, un testament d'un amour et d'une résilience sans limites qui continuent de résonner à travers le temps et l'espace. Je vous invite à en découvrir davantage en lisant ce qui suit. À la fin de l'article, vous pouvez écouter cette merveilleuse chanson.

Homme et femme (nga tane me nga wahine, in original in Te Reo Maori).

Étymologie et symbolisme

L'étymologie du titre ‘Pōkarekare Ana’ dévoile la subtilité des émotions et la complexité des sentiments exprimés dans la chanson. En Māori, le terme ‘pōkarekare’ désigne un trouble intérieur, une profonde agitation de l'âme, une tempête qui perturbe le cœur. Il s'agit d'un tumulte émotionnel, d'un état intense et difficile à contrôler. Le terme ‘ana’ qui complète le titre suggère l'idée d'une action persistante, d’une expérience qui ne s'achève jamais et qui se répète. Ensemble, ces deux mots créent une métaphore puissante d'un amour dévorant, exprimant des sentiments tels que ‘Ton amour me tourmente sans fin’ ou ‘Je suis troublé par ton amour incessant’. Ils ont des significations plus profondes et expriment le désir et l'anxiété accablants causés par l'amour ou la séparation, donnant ainsi une charge émotionnelle universelle à la chanson.

Guerrier Māori (tūpuna ou tohunga, en Te Reo Māori).

Façonner l'identité nationale

Née dans les premières décennies du XX^e siècle, ‘Pōkarekare Ana’ est vite devenue un symbole de la conscience nationale néo-zélandaise. Elle parvient à mélanger harmonieusement les traits culturels des Māori (les natifs du pays) et des Pākehā (Européens), marquant un moment important de fusion entre les traditions indigènes et les influences coloniales. Cette chanson est ainsi plus qu’une simple expression artistique: elle est aussi un catalyseur qui contribue à créer une communauté unie, malgré la diversité ethnique de ce pays. Tissé dans la tapisserie de l'identité nationale, ce fil délicat a résisté à l'épreuve du temps dans notre nation. Notre jeune nation a une histoire d'environ deux siècles. Cependant, en si peu du temps, la Nouvelle-Zélande est parvenue à rassembler les traditions et les expériences variées de ses citoyens, créant une mosaïque d'identité unique. Bien que le processus de formation de l'identité soit toujours en cours, des chansons telles que ‘Pōkarekare Ana’ nous offrent un langage commun, un écho du passé qui inspire un voyage plein d'espoir vers l'avenir.

Le Koru, souvent utilisé dans l'art maori comme symbole de la création, est représenté sous la forme d'un bourgeon de fougère qui s'épanouit. Sa forme circulaire symbolise le mouvement perpétuel et son enroulement vers l'intérieur suggère un retour aux sources. Le Koru symbolise ainsi le fait que la vie change tout en restant la même.

Genèse de la chanson

Ses origines restent entourées de mystère, aucun auteur n'étant crédité de sa création. Ce sont les politiciens et dirigeants māori Paraire Tomoana et Āpirana Ngata qui ont fait publier la chanson en 1919, mais sans jamais revendiquer la paternité de celle-ci. Ils ont simplement indiqué qu'elle ‘émanait du nord d'Auckland’ et qu'elle était le fruit de la créativité collective de la communauté Māori. Sa popularité a explosé quand on a découvert que les soldats s'entraînant près d'Auckland avant de se rendre sur le front européen pendant la Première Guerre mondiale avaient fredonné cette chanson. ‘Pōkarekare Ana’ est alors devenue le symbole du soldat qui écrit à sa petite amie ou à sa famille pour exprimer son désir de revenir vivant et de vivre à nouveau des moments d'amour et de normalité. Bien que la chanson n'ait pas été créée pour être un hymne de guerre, elle a pris cette signification émotionnelle pendant le conflit. Les paroles originales en Māori sont restées quasiment intactes au fil des ans; les seuls changements concernant généralement les noms des lieux mentionnés dans la chanson. Cette continuité confère à la chanson un caractère intemporel et la rend emblématique, reliant les générations par un fort sentiment d'identité et d'appartenance.

Apirana Ngata dirige un haka lors des célébrations du centenaire de 1940 à Waitangi. La maison de réunion, la célèbre maison de Waitangi, se trouve à gauche.

Rotorua vs Waiapu

Certaines versions de Pokarekare Ana sont liées au lac Rotorua, lieu emblématique de la culture Māori. Elles sont souvent associées à la légende d'Hinemoa, qui traverse le lac à la nage pour rejoindre son amant interdit, Tūtānekai, sur l'île de Mokoia. Cette histoire confère à la chanson une dimension à la fois romantique et mythologique. Avec le temps, la chanson a été traduite en anglais, chaque version reflétant les interprétations et les sensibilités culturelles propres à chaque époque. D'autres versions sont liées au terme plus général ‘Waiapu’, qui désigne une rivière ou un ruisseau dans la langue Māori. Il symbolise aussi le lien profond entre les hommes et la nature, un concept clé de la culture Māori dans laquelle l'eau joue un rôle vital dans la vie spirituelle et quotidienne. Le terme ‘Waiapu’ peut également faire référence à un lieu ayant une importance culturelle et historique pour le peuple Māori.

Lac Rotorua.

Le message en Te Reo Māori (langue Māori)

‘Pōkarekare ana, ngā wai o Waiapu. Whiti atu koe hine, marino ana e’ – voilà la première strophe. L'inquiétude et la nostalgie s'expriment à travers la référence au ‘Waiapu’, un lieu symbolique qui suggère un lien profond avec la nature et l'environnement. Cette strophe évoque un état d'agitation et de désir intenses, faisant appel à l'être aimé qui, bien que parti, apporte la paix à l'âme de celui qui reste. Dans le refrain, l'aspiration aux retrouvailles, enveloppée dans les mots ‘Reviens, mon cher’, se mêle à la douleur de la séparation et de la distance physique et émotionnelle evoquée par les vers suivants: ‘Je souffre, je meurs, je me consume d'amour pour toi’. La suite introduit l'image d'une lettre et d'une bague, symboles d'amour et de désir, envoyées comme des messages d'amour à l'être aimé: ‘Tuhituhi taku reta, tuku atu taku rīngi, kia kite tō iwi, raru raru ana e’. La chanson se poursuit avec une autre strophe dans laquelle les mots ‘penele’ et ‘pepa’ (papier) deviennent des symboles de la communication et du désir d'exprimer l'amour, même face aux obstacles: ‘Whati whati taku pene, ka pau aku pepa, ko taku aroha, mau tonu ana e’. Les derniers vers soulignent l'idée que l'amour est inépuisable, même face au temps qui passe et aux épreuves, à travers l'image de larmes qui ne cessent de couler: ‘E kore te aroha, e maroke i te rā, Mākūkū tonu i, aku roimata e’. Ainsi, Pōkarekare Ana devient une chanson pleine de métaphores émotionnelles, reflétant la douleur d'un amour non partagé et l'espoir de retrouvailles.

Symbole de la semaine en langue Māori (Te Wiki o Te Reo Māori).

La chanson des larmes

Permettez-moi de vous offrir la traduction des paroles de ‘Pōkarekare Ana’:

Elles sont troublées, les eaux de Waiapu, Mais quand tu les traverseras, ma chérie, Elles se calmeront. O bien-aimée, reviens vers moi. Car je mourrai d'amour pour toi. J'ai écrit ma lettre, Et je t’ai envoyé l'anneau. Pour que toi et ta famille puissiez voir à quel point je suis troublé. Ma pauvre plume est cassée. Je n'ai pas de papier. Mais mon amour pour toi reste inchangé. Mon amour ne se fanera jamais. Ni ne se flétrira sous le soleil brûlant. Il sera toujours humidifié par mes larmes. J’ai fait de mon mieux pour capturer l'essence et la profondeur des sentiments de nostalgie et d'amour non partagé. Ceux-ci sont exprimés dans la chanson à travers des images qui reflètent l'agitation émotionnelle et l'espoir de retrouvailles.

Chat de mer de type Māori-style.

Transformer le chagrin en espoir

J'ai entendu la chanson Pokarekare Ana pour la première fois à un moment particulièrement émouvant: lors d'un enterrement. Je suis originaire de Roumanie et je connais les traditions de ce pays, notamment la manière dont les gens pleurent leurs défunts: souvent avec une solennité écrasante, les larmes et le chagrin s'exprimant sans retenue. Du coup, j'ai été profondément surprise de voir toute une assemblée chanter cette chanson avec une émotion rare, mais aussi avec le sourire. La musique effaçait, au moins pour quelques instants, la dureté de la perte, laissant place à un sentiment subtil de paix et de connexion. Les paroles de la mélodie et l'harmonie douce semblaient unir les âmes des personnes présentes, leur rappelant la beauté de la vie et le lien éternel entre les vivants et les disparus. Cette expérience m'a fait réfléchir au pouvoir universel de la musique, qui transforme les moments les plus difficiles en moments de communion et d'espoir.

Tangihanga est le nom de la cérémonie māori en l'honneur des morts.

‘Pōkarekare Ana’ à travers le temps

Plus que toute autre chanson, celle-ci est emblématique de la Nouvelle-Zélande, étant profondément ancrée dans la culture nationale et adaptée à de nombreux contextes, de la publicité aux événements les plus importants. Symbole de l'identité nationale, elle est adoptée par divers groupes et organisations néo-zélandaises. Ce fut le cas en 1987, lorsqu'elle a été reprise sous le nom de Sailing Away pour soutenir l’équipage néo-zélandais participant à la Coupe de l'America de yachting de cette année-là. Cette version a été enregistrée par un chœur de personnalités néo-zélandaises connu sous le nom de ‘All of Us’. La chanson a également été utilisée dans des campagnes publicitaires, notamment dans celles de la compagnie aérienne nationale Air New Zélande dans les années 1990 et 2000, quand un enregistrement remarquable de la célèbre soprano Kiri Te Kanawa a été utilisé pour la promouvoir. En 2020, pour marquer le 80emé anniversaire, Air New Zélande a de nouveau fait appel à cette chanson emblématique, avec une interprétation de la célèbre Hayley Westenra.

Hayley Westenra

Chant de solidarité

En avril 2013, ‘Pōkarekare Ana’ a été chanté au Parlement néo-zélandais suscitant un profond sentiment de solidarité et de célébration après l'adoption d'un projet de loi historique légalisant le mariage homosexuel. Les membres du Parlement et les spectateurs présents ont interprété la chanson en hommage au progrès et à l'unité nationale, en soulignant son rôle de symbole d'amour et d'acceptation. Ainsi, ‘Pōkarekare Ana’ est passé d'une simple chanson d'amour à un symbole majeur qui reflète et promeut les valeurs, l'identité et le progrès de la Nouvelle-Zélande.

Enregistrements et adaptations

Au fil des décennies, ‘Pōkarekare Ana’ a été interprétée et enregistrée par de nombreux artistes du monde entier, chaque version révélant une nouvelle facette de cette chanson emblématique de la Nouvelle-Zélande. L'une des premières interprétations notables de la chanson a été réalisée par Rhonda Bryers et incluse dans l'album CBS de 1981, The Mauri Hikitia, un projet réunissant plusieurs artistes. En 1984, le célèbre pianiste français Richard Clayderman a enregistré une version instrumentale, qui figure sur son album Memories. La chanson a également été interprétée par des chanteurs d'opéra néo-zélandais tels que Malvina Major, qui ont apporté une touche d'élégance et de raffinement aux paroles profondes de la chanson. Un autre moment important s'est produit en 2003, lorsque la chanteuse néo-zélandaise Hayley Westenra a inclus cette chanson dans son album Pure. La chanson a ensuite été reprise par le groupe de musique classique britannique Angelis sur son album éponyme. En 2011, Hollie Steel l'a enregistrée pour l'album ‘Classical-Crossover Compilation’, puis publiée en single caritatif pour soutenir les victimes du tremblement de terre de Christchurch cette année-là.

Au lieu du final

‘Pōkarekare Ana’ est donc une chanson d'une importance culturelle énorme et l'une des ballades traditionnelles Maories les plus appréciées de Nouvelle-Zélande. Composée au début du XXème siècle, elle raconte une histoire d'amour, exprimant le désir et la dévotion entre deux amants séparés par des eaux troubles (pokarekare). Sa mélodie simple mais profonde et ses paroles poétiques en font un symbole d'amour, d'unité et de connexion humaine. L'importance de cette chanson transcende les frontières culturelles et est devenue un hymne emblématique de l'identité nationale de la Nouvelle-Zélande, également appelée Aotearoa (le nom Maori du pays). Pour moi, comme pour beaucoup d'autres de mon pays et d’ailleurs, ‘Pōkarekare Ana’ est bien plus qu'une simple histoire d'amour; elle symbolise le lien étroit entre les gens, la nature et la spiritualité. C'est une chanson qui inspire l'unité, le réconfort et l'espoir, et qui apporte un sentiment de tranquillité et de réflexion, tant dans les moments de joie que dans ceux de tristesse. Le fait qu'elle parvienne à toucher autant de cœurs, quel que soit le contexte culturel, souligne le pouvoir universel de la musique à communiquer des émotions profondes. Pourquoi les Néo-Zélandais sont-ils surnommés les ‘ Kiwis’? Au début des années 1900, les auteurs de bandes dessinées ont commencé à utiliser une image de l'oiseau kiwi pour représenter la Nouvelle-Zélande. Pendant la Première Guerre mondiale, les soldats néo-zélandais étaient appelés les ‘kiwis’, et ce surnom est resté. Finalement, ce terme a été attribué à tous les Néo-Zélandais, qui ont fièrement adopté ce surnom. Tout comme l'oiseau et la culture de leur pays, les Néo-Zélandais sont uniques, adaptables et enrichissent notre monde.


Pour finir, voici quelques-unes des versions promises de cette merveilleuse chanson.





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