Des murmures annonçaient le matin, tremblant timidement au contact des premières aurores. Il semblait que c’était l'automne, tarde et froide, avec l'odeur d’un l’hiver qui débute tôt, avec des souvenirs et de la mélancolie. Le vieux bois humide craquait dans la clôture à chaque appel de la toundra, apportant avec lui la nostalgie de l'empereur Mistral.
Et combien de belles histoires pourrait – il à raconter: avec des chevaux et des cavaliers mongols, ou avec les chardons roulant jusqu’à où le ciel caresse la terre et s'endort, avec des lointains jumelles et des tribus en selle, descendant, humeur guerrière, vers un Est toujours riche. Sa barbe était devenue grande et épaisse, comme un hérisson blotti au fond de la cour, effrayé par les aboiements et les sifflements des chiens. C'était un de ces matins, presque nuit, sombres et vides comme tourmenté de la Sibérie. Monté uniquement par des nuages sans début ni fin. Une histoire d’actualité lointaine, mentionnée seulement par des rêves immatures et gaspillés d’une jeunesse perdue. Viacheslav restait immobile, une petite table à côté de la poêle chaude, comme dans un royale conte de fée. ‘Ce quoi la vie et comment mieux la vivre?’ pensa-t-il en s'inquiétant. Un chemin toujours parcouru par tant d'autres, parfois raide, parfois doux, jamais le même. «Qu'y a-t-il au-delà de la vie et comment la vivre en mourant?» il s'agitait et se répondait. C'est peut-être de la joie ou de la tristesse, peu importe. «Qui nous voit, nous entend, nous comprend?» il ne pouvait pas que penser à ce qu'il avait fait dans la vie. Rien, rien qu’un rien misérable et fou, l'atout de tous perdants et souffrants. La pièce lui ressemblait. Tantôt clair, tantôt noir, il suffisait de bien veiller à choisir le bon endroit, à côté des bûches crépitantes et brûlantes. Des araignées gelées sur les toiles en lambeaux et enfumées, des fourmis affamés et coureuses, le banc en bois avec la couverture en lambeaux et en mauvais état, rien de plus, rien de moins, rien de plus, rien de moins, rien suffisant. Le verre était le seul accessoire sur la table rongée par des caris du bois. Et la vodka, le seul liquide qui mouillait ses parois brillantes. Comme ceux d’une redingote non lavée, déchirée et rapiécée au niveau du coude. La tristesse planait dans la chambre du Russe et lui demandait de se dépêcher de se lubrifier la gorge avec la brûlure incolore et mystérieuse d’une pensée d’eau, c’est ce qu'il pensait. Lubrifiez et lubrifiez.Un pa uvre scarabée avait trouvé une miette coincée dans le bois de la table et s’enchaina à la récupérer. «Tout comme nous, dans la vie...» pensa-t-il en l’écrasant sans pitié. Il cracha dans sa paume et commença à se frotter les mains pour se nettoyer. Il essuya le revers de sa main et caressa sa barbe. Il se leva pour jeter encore du bois dans le feu et pour remplir encore une fois son verre. «Pourquoi fait-on du feu si nous avons encore de la vodka?» se demanda-t-il, incertain. Peut-être parce qu'elle a aussi besoin de se reposer. Dans la bouteille. La mère aimante qui la donne toujours aux autres. Au verre et gorge assoiffé. «Ce quoi la vie?» se demandait – il encore une fois. Le vent, l'homme et le scarabée, le feu éteint méchamment par le froid bégayant, le bois, la vodka et le néant. Seulement ça. Et réconcilié avec lui-même, il s'endormit en poussant un soupir de soulagement. Il avait appris le secret de sa vie. Pauvre, ignorant, seul. Viacheslav.
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