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LA GRANDE ÉVASION DU 1ER MAI 1987

Dernière mise à jour : 22 sept.

Le 1er mai, c’est la «Fête du travail», célébrée partout dans le monde, mais de manière différente. Dans les pays démocratiques, nous célébrons la conquête des droits des travailleurs. Dans les pays avec des régimes communistes, c’est la célébration du «Travail»: comment faire pour que les ouvriers travaillent et produisent davantage? Et comment le Parti Communiste pourrait-il mieux bafouer les droits des travailleurs? C'était également le cas de la Roumanie pendant l’Enfer Communiste, de 1945 à 1989. Vous trouverez ci-dessous l’histoire de la façon dont le 1er mai se passait à l'époque du camarade dictateur Ceaușescu. Et comment nous, Angelo et George, adolescents à l'époque, l’avons vécu en 1987.


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Naissance

L’idée d’une «Fête du travail» est née en France. Elle y a été célébrée pendant quelques années à partir de 17931793, puis est tombée dans l’oubli. Puis, au début du mois de mai 1886, à Chicago, aux États-Unis, des affrontements entre des ouvriers en grève et des policiers ont fait des morts et des blessés. En 1889, la Deuxième Internationale socialiste a ensuite décidé que le 1er mai serait consacré à la célébration de la lutte pour les droits des travailleurs.


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Détournement du 1er Mai

Le «communisme», tel que conçu par Marx et Engels, avait le pouvoir d'attirer les gens en leur promettant le paradis sur terre. Lénine et ses acolytes l’ont embrassée pleinement, eux qui n’auraient pas hésité à se proclamer «touchés par la grâce divine» quelques centaines d'années auparavant. C'était le meilleur marchepied: fin 1917, les bolcheviques prenaient le pouvoir en Russie et proclamaient immédiatement l'instauration d'un régime dit «communiste». Mais que faire du 1er mai? Dans le «communisme», les ouvriers bénéficiaient déjà de tous les droits (officiellement, car dans les faits, ils étaient même plus défavorisés que les esclaves). Lénine a alors décidé que ce serait la fête du «Travail», un travail dur, intense et sans relâche pour la victoire finale du communisme. Cette pratique s'est ensuite généralisée à tous les pays communistes.


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Le 1er Mai pendant l’Enfer communiste

Le Parti communiste roumain a été imposé au pouvoir par les Russes (appelés «soviétiques» à l'époque) qui ont occupé le pays vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une fois au pouvoir, les camarades communistes roumains ont bien sûr imposé leur vision et leur façon de célébrer le 1er mai. Un changement s'est produit dans les années 1970, lorsque le «Culte de la personnalité» de Ceaușescu a commencé à prendre le dessus. Par la suite, en Roumanie, nous avons de moins en moins célébré le «Travail» et les travailleurs, et de plus en plus le camarade dictateur Ceaușescu et ses «Instructions précieuses ». Celles-ci étaient censées permettre d'augmenter la production, l'efficacité au travail et de faire avancer l'économie.


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Les «Instructions Précieuses»

En 1965, le camarade Ceaușescu a pris le pouvoir pour devenir, quelques années plus tard, le maître absolu du pays, un dictateur autocratique. À la suite d'un voyage en Chine et en Corée du Nord au début des années 1970, il avait demandé qu'un « culte » à sa personne soit instauré; son gouvernement l'a mis en place. Convaincu d'être la personne la plus intelligente et la plus capable du pays, il a commencé à donner des ordres et des instructions sur la façon dont les choses devaient être faites. Avec le temps, celles-ci sont devenues de plus en plus nombreuses et détaillées, allant jusqu’à régir le moindre détail managérial et technique. Inutiles et, la plupart du temps, contre-productives, elles étaient encensées par l’appareil de propagande du Parti Communiste Roumain et surnommées les «Instructions Précieuses». La plupart d'entre elles visaient l’industrie: la transposition en Roumanie communiste de la vision russe d'une «société communiste» qui vaincrait le « capitalisme / l’économie de marché» par le développement de l’industrie, principalement celle des grosses machines et des mot— un défilé monstrueux — organisée pour la célébration du 1er mai.


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La manifestation

Peu importait le jour de la semaine, il n'y avait pas de travail ce jour-là. Officiellement, c'était un jour férié. En réalité, pour beaucoup de gens, c’était le jour où ils devaient participer aux manifestations organisées pour la célébrer, une pour chaque chef-lieu de département. Et bien sûr, la plus grandiose et la plus démesurée avait lieu dans la capitale du pays, Bucarest, devant le camarade dictateur Ceaușescu et son cabinet. Ici, la manifestation se déroulait sur le trajet Piaţa Romană - Piaţa Victoriei - Piaţa Aviatorilor (en roumain dans le texte; c'était comme le trajet: Place de la Nation - Place de la République à Paris). La tribune officielle se trouvait sur Piaţa Aviatorilor. En passant devant, les manifestants devaient crier très fort divers slogans à la gloire du dictateur, garder le rythme, lever plus haut les pancartes, les drapeaux, les maquettes de machines, etc. La manifestation se transformait alors en défilé.


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Les manifestants

Il y avait plusieurs catégories de manifestants. Les élèves des collèges et lycées, en grande tenue d'apparat, portaient des pancartes et des drapeaux du pays et du Parti Communiste. Ils passent en premier et doivent crier «hourra» ou des slogans à la gloire de Ceaușescu. S’ensuivent les ouvriers, qui constituent le groupe le plus nombreux. Ils viennent de toutes les usines des environs (et il y en avait beaucoup) et portent sur les bras des maquettes de leurs machines de travail ou des produits qu’ils fabriquent. Ils ne crient pas de slogans pour ne pas couvrir la voix du speaker qui annonce leurs réussites en utilisant de grands mots du type: «Maintenant, les ouvriers de l’entreprise X passent. Ils ont fabriqué deux fois plus d’engins Y que pendant la même période de l’année précédente. C’est après la visite du Camarade Ceauşescu, lorsqu’il a donné des instructions pour augmenter la production, que cela a été rendu possible». Et à la fin de cette phrase ils doivent crier «hourra!». Enfin, ce sont les sportifs qui passent en dernier; ils ne portent que quelques drapeaux et pancartes et ne disent presque rien. Cependant, ils doivent exécuter des mouvements compliqués, des pirouettes et des acrobaties, à la manière des bouffons du roi d'antan (mais sans les avantages qui allaient avec: nourriture, logement et argent).


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La fin de la manifestation

Une fois passés devant la tribune officielle, la manifestation prend fin pour les participants, qui sont libres pour le reste de la journée. Beaucoup d'entre eux se rendent dans les guinguettes spécialement créées pour égayer cette journée de fête, tandis que d'autres se retirent dans les espaces verts si le temps est beau. Plus tard, ils regarderont la télévision, car la manifestation est diffusée en direct et rediffusée toute la journée. Dans les dernières années du régime, c'était la seule fois où il y avait un programme télévisé toute la journée (d'habitude, il n'y avait que deux heures par jour). Les gens regardaient pour y voir des visages connus: voisins, collègues de travail — ou pour se voir eux-mêmes en gros plan. Mais avant de passer devant le camarade dictateur Ceaușescu, les participants devaient marcher des kilomètres et des kilomètres.


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La marche

Le point de rassemblement des manifestants se trouvait devant l’école, le lycée, l’entreprise ou le club sportif; en règle générale, la quasi-totalité des membres de l’organisation y participait. Le refus était formellement interdit et exposait à de lourdes sanctions (financières, déclassement du poste de travail, mise au placard, harcèlement organisé par les dirigeants, etc.). De là, ils se mettaient en marche en formation de colonne et parcouraient à pied le trajet jusqu’à la Piaţa Romană, quelle que soit la distance (qui dépassait parfois 10 km!). Ce long trajet présentait toutefois un avantage: certains, plus courageux, pouvaient se «volatiliser» pendant la marche. Certains demandaient la permission de sortir du rang pour acheter des cigarettes ou de l’eau ou pour aller aux toilettes et «oubliaient» de revenir. D’autres partaient quand les surveillants regardaient une autre partie de la colonne. Cependant, nous n’avons pas connaissance d’une «Grande Evasion» comme la nôtre, survenue le 1er mai 1987. Celle-ci a été rendue possible grâce à une rencontre.


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Notre rencontre

Moi, Angelo, j'ai rencontré George le 15 septembre 1985, lors de la rentrée en première année, au lycée Mihai Viteazul de Bucarest, l'équivalent roumain de Louis-le-Grand à Paris. Nous nous sommes regardés, nous avons tendu la main et… boum! Ce fut un coup de foudre amical et le début d'une belle histoire qui dure encore aujourd'hui, 39 ans plus tard, malgré les 18 000 kilomètres qui nous séparent physiquement. Une histoire fondée sur ce que nous avons vécu, les obstacles que nous avons surmontés et les défis que nous avons relevés ensemble pendant notre adolescence, passée dans l'enfer du régime communiste de Ceaușescu. Et surtout, comment bafouer les «valeurs communistes», car oui, nous l'avons fait dès les premiers mois de l'école, malgré les punitions encourues.


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Les punitions

Bien à savoir: en communisme, l’échec et la faillite n’existaient pas. L’exclusion d’un lycée, et encore moins d’un lycée tel que le nôtre, n’était donc pas envisageable. Cela signifiait que les «brebis galeuses» — et nous étions les meilleurs! — devaient être gardées à l’intérieur coûte que coûte, et tant pis pour la suite. La solution était donc de leur infliger des punitions pour qu'ils partent d'eux-mêmes. Au terme du premier trimestre, George et moi avions déjà une mauvaise moyenne en «bonne conduite». Cette matière était très importante pour l’avenir, car elle ouvrait la voie vers les filières les plus prestigieuses, notamment les «Écoles» du Parti communiste, l’équivalent de Sciences Po. Nous n'en avions cure: devenir apparatchiks du Parti communiste était impensable pour nous. Et puis, dans la Roumanie du dictateur Ceaușescu, un travail valait plus ou moins autant qu’un autre, donc nous n’avions pas de souci à nous faire. Alors que nos «infractions» aux «valeurs communistes» se poursuivaient au deuxième trimestre, la Direction Communiste du lycée décida de passer à la vitesse supérieure: le harcèlement. C'était la punition régulièrement infligée à ceux qui ne se conformaient pas, qui ne baissaient pas la tête et n'obéissaient pas aux règles et aux commandements de «l'éthique communiste». Cette punition impliquait que les collègues du puni devaient accomplir la plupart des actes spécifiques. Bonus: ils devenaient complices des crimes du régime et étaient poussés à le soutenir, car s'il tombait, eux aussi. Cette méthode pouvait parfois échouer, et dans notre cas, l'échec a été magistral: au lieu de devenir nos tourmenteurs, nos collègues se sont rangés à nos côtés.


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Nos collègues – nos alliés!

L’échec était toutefois prévisible: George et moi étions dans une classe avec des élèves issus de familles d'« intellectuels » (ingénieurs, médecins, avocats, architectes, etc.). Ceux-ci avaient préféré se concentrer sur leurs études et se tenir à l’écart de nous et de nos frasques. Mais les dirigeants du lycée n’ont rien compris et ont exercé des pressions sur eux. Déjà difficiles à diriger et à manipuler, ces pressions les ont poussés droit dans nos bras. Nous, à l'aube de nos 16 ans, avions déjà compris les valeurs telles que l'honneur, la gloire et la liberté; le «Métal musique», que nous avions commencé à écouter, y était pour beaucoup. En résumé, nous avons passé un accord avec nos collègues les plus influents: au lieu de nous harceler, ils allaient nous accompagner et bénéficier de nos «infractions». En échange, nous assumerions toute la culpabilité et ils seraient considérés comme des «esprits faibles» manipulés par nous. Ce qui s'est passé le 1er Mai 1987 a donc été un moment épique d'une série bien


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L’annonce

Une heure d'«enseignement politique» stratégiquement intercalée entre plusieurs heures de mathématiques pour nous empêcher de nous absenter comme d'habitude. La cheffe communiste du lycée était la camarade Mincu, une passionnaire roumaine qui avait des orgasmes à répétition en écoutant les discours du camarade dictateur Ceaușescu. Elle est venue faire une annonce glaçante: nous nous étions portés «volontaires» pour participer à la manifestation du 1er mai. Les protestations à demi-mot de certains collègues ont été coupées court par la menace d'une punition sous forme de baisse de la moyenne de «bonne conduite». Puis, elle a continué à parler de l’honneur que le Parti nous faisait en nous donnant la possibilité de défiler devant le camarade Ceaușescu. Lorsque la pause est enfin arrivée, tout le monde nous a sauté dessus ; plusieurs filles avaient les larmes aux yeux. Le mot d'ordre était le suivant: «Vous devez nous sauver.» C'était difficile, compliqué, mais pas impossible pour nous deux, Angelo et George. Nous étions déjà plus ou moins «débrouillards» même avant le lycée. Comme l'union fait la force, au lycée, en nous associant, nos capacités et nos possibilités dans ce domaine allaient se multiplier à grande échelle.


Le plan

Il était hors de question de ne pas être présent au lycée, où la présence de chacun allait être vérifiée. Il fallait donc trouver un moyen de s'enfuir pendant le trajet vers Piata Romană, d'où le défilé allait commencer. Il n'était pas facile de «faire disparaître» une classe entière de quarante personnes tout en étant étroitement surveillée. Après des heures et des heures de travail acharné, nous avions pu mettre au point le plan. Il était très simple et reposait sur trois piliers:

1. Comme notre classe fermait la colonne de notre lycée, nous devions rester sages pendant la première moitié du trajet: les surveillants allaient se relâcher, se disant que «nous étions rentrés dans le rang!».

2. George et moi devions rester en tête de file: en nous voyant toujours là, les surveillants penseraient que tout va bien.

3. Trois autres garçons, les plus costauds, devaient se tenir à nos côtés pour empêcher quiconque de voir ce qui se passait derrière. Puis, tout le monde partirait petit à petit jusqu'à l'arrivée devant le cinéma Scala (à environ 600 mètres de la Piata Romană). Nous aussi mettrions alors les voiles vers un point de chute préalablement établi, un établissement scolaire situé dans les environs.


Le lycée a été «rétrogradé»

Bien à savoir: le chef du Comité d’organisation de la manifestation du 1er mai et un des plus proches larbins du camarade dictateur Ceaușescu portait le surnom «Dieu»!

Il fait encore nuit lorsque nous nous présentons devant le lycée, prêts à partir, car notre établissement a l’honneur (!) d’ouvrir le défilé. Peu avant le départ, coup de tonnerre: l’ordre du défilé a été modifié et c’est une autre école qui passe en premier. Nous devons patienter en attendant les nouvelles consignes. Les professeurs surveillants sont atterrés et la camarade Mincu, en pleurs, se demande: «Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?» À quoi George répond: «Les autres ont donné un pot-de-vin plus gros que le nôtre!». Moi, Angelo, réplique aussitôt: «Et ils l'ont donné directement au Dieu. ». La camarade Mincu nous engueule, furieuse, mais nos collègues sont par terre, secoués par un fou rire. S'ensuit une longue, ennuyeuse et fatigante attente pour tous, sauf pour nous: nous dénichons vite un ballon et plusieurs commencent une partie de foot, avec des filles qui font la galerie. Les autres jouent aux échecs et aux cartes pendant que je continue d'écrire le roman d'anticipation «Le Vautour», qui connaît un grand succès auprès de mes collègues. Le temps passe si vite que nous avons de tous nos poumons à l'annonce du départ, des heures plus tard. Et pour cause: le match n’est pas fini, le gagnant du concours d’échecs n’est pas connu et moi, j’avais encore des pages à écrire.


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On se «volatilise» sur la route

Bien à savoir: même le meilleur des plans ne tient pas face aux premiers instants d'une bataille. Il faut donc savoir s'adapter rapidement, sous peine de perdre la bataille ou de subir de lourdes pertes. Contre toute attente, notre plan a bénéficié d'un coup de pouce du «Dieu», qui a encore davantage penché la balance en notre faveur. En effet, en partant tard pour la manifestation, les professeurs surveillants étaient déjà fatigués et frustrés par ce changement de dernière minute. Nous avons entendu ceux qui marchaient à nos côtés râler: «On nous a volé la vedette. ». Puis, deux d'entre eux sont partis vers l'avant de la colonne, prétendument pour échanger avec des collègues. Ils ne sont jamais revenus et nous soupçonnons qu'ils se sont enfuis, eux aussi, avant même nous. Et pouf! Une fille trébucha et se plaignit de douleur en essayant de se remettre à marcher. Restée seule pour nous surveiller, Camarade Mincu doit accepter qu’elle avance plus lentement, aidée par deux autres collègues, le temps qu’un antidœil de temps à autre vers nous. À chaque fois qu'elle nous voit, Angelo et George devant, et les trois gaillards derrière, elle est rassurée. Ce qu'elle ne remarque pas, c'est que derrière nous, les rangs se vident peu à peu: ici, deux personnes qui se trompent de direction dans un carrefour et prennent une mauvaise route. Là, une autre qui trouve étrange que la porte d'un bâtiment soit ouverte et qui va chercher à en savoir plus. Pour s'en sortir, elle prend la mauvaise porte. Et cela continue ainsi jusqu'au grand final.


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La grande fin

Nous venons de dépasser l'hôtel Intercontinental et il nous reste quelques centaines de mètres à parcourir jusqu'à la Place Romană. C'est le top départ pour les garçons qui ont joué le rôle d'écran. Peu de temps après, la camarade Mincu se tourne vers nous et fait le constat: il ne reste plus que George et moi. Nous n'attendions que le moment de tirer notre révérence en grande pompe. Alors qu'elle commence à nous crier dessus, nous lui faisons un signe de la main en guise d'au revoir, puis entamons un sprint digne de l'épreuve olympique du 100 mètres en direction du point de chute: un établissement scolaire des environs. Nous passons à côté d'un parc, un piège pour ceux qui nous pourchassent: ils vont croire que nous nous y cachons et s'y arrêter pour commencer la fouille. Ce qui nous laisse le temps d'arriver devant le mur d'enceinte de l'école, haut de plusieurs mètres. Encouragés par nos collègues qui s'y trouvent déjà, nous relevons haut la main le défi de le franchir et de pénétrer dans la cour intérieure; quelques dégâts mineurs sont toutefois à déplorer: des blessures superficielles et mon pantalon d'uniforme qui devient court! Nous sommes parvenus à ne pas être vus par les professeurs et les miliciens qui nous recherchaient activement. En échange, nous les entendons parler devant le mur de l'école: «Ils ne sont pas ici; il n'est pas possible de passer par-dessus. Ce mur est trop haut, même pour eux. Revenons au parc, ils doivent se cacher quelque part là-bas. ». Ils partent et nous restons là.


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Et maintenant, que fait-on?

Il est évident que nous ne pouvons pas partir tout de suite, car la zone est quadrillée par des «forces ennemies» (professeurs, forces de l'ordre). Nous n'avons donc qu'à attendre la fin de la manifestation, lorsque les rues seront pleines de monde, pour pouvoir nous mêler à la foule. Et pour tuer le temps, rien de tel qu'un match de foot. Pendant quelques heures, nous nous transformons donc en joueurs de l'équipe du Steaua Bucarest, de l'Ajax, du Barça ou du Milan AC. Il y a des buts, des cris de victoire ou de désespoir, des engueulades pour savoir s'il y a eu faute ou non, et toutes les autres joies propres à ce sport. Cerise sur le gâteau, des fenêtres de l'école sont cassées à la suite de tirs malheureux. La main sur le cœur, j'avoue que c'est moi le responsable: mon talent de footballeur frisait le niveau de la mer. Pour nous faire pardonner, nous laissons un petit mot indiquant que la note devrait être adressée au comité d’organisation de la manifestation du 1er mai !


Épilogue

Le premier jour de l’école, enquête, bien sûr. Nos collègues prétendent à l’unisson que nous les avons manipulés: certains disent qu’ils sont partis parce que nous leur avons dit que c’était l’ordre de la camarade Mincu. D'autres disent qu'ils se sont égarés dans la colonne parce qu'on leur a demandé d'aller chercher de l'eau ou des gâteaux. Certaines filles vont même jusqu'à dire qu'elles sont parties par peur, après que nous les avons menacées de les frapper (ha ha ha!). En bref, l’enquête a révélé que nous étions les seuls coupables, Angelo et George. Par la suite, notre note de «bonne conduite» pour le premier trimestre nous a été fortement baissée. De plus, la direction du lycée nous a également mis en demeure de demander notre transfert vers un autre établissement. Nous avons bien sûr superbement ignoré cette demande, les papiers reçus à cet effet prenant la direction de la première poubelle rencontrée à la sortie de l'enquête. En revanche, il y a eu une autre conséquence heureuse: jusqu’à la fin de cette année scolaire, notre classe n’a pas été sollicitée pour des «activités de pratique agricole» (qui, à l’époque, signifiaient une participation forcée à des travaux agricoles ou du bâtiment non qualifié et non rémunéré). Et quand on nous a obligés à participer à de telles activités, ça a tourné à la catastrophe (lisez «Travaux agricoles pour rien»).

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