Assis, en rang avec les autres. Sec comme une peau deux fois tabassée, il respirait saccadé, haletant lentement chaque fois quand les côtes touchaient le poumon. Il avait été enfermé dans cet endroit de quand il ne se rappelait même pas. Longtemps déjà il avait oublié la beauté des choses, l'odeur des fleurs, les clairières d'antan, avec le beau silence des journées d’automne.
Quelqu'un les avait informés qu'ils partiraient aux premières lueurs du matin. Personne ne savait où, pourquoi ou s’ils iraient mieux. De toute façon, il ne s'attendait plus à rien de bon, vu comment tout s'était mal passé pour lui jusqu'à maintenant. Et c’est parti; ils marchaient sur une quelconque cadence, soldatesque, pressée, les rayons du soleil frappant meurtrière dans leurs billes. Au bout d'un moment, ils s'arrêtèrent. Transpirés, ils se mirent dans la grosse couche de la poussière qui les caressait leurs mains humides, les faisant un bien fou. Elle avait un peu de la consistance royale de la soie, même si ce n’était qu’une simple couche de poussière. Ils se tenaient à la lisière d'une forêt. Certains d’entre eux reçurent l’ordre d’aller vider leurs besoins. La vigilance des gardes s’était affaibli considérablement, cependant ils comptaient bel et bien sur l'absence totale de moyens pour la réussite d’une évasion. Et puis, comme toute le monde le savait bien, la forêt dévorait ses hôtes indésirables... Il se voyait lui-même de quelque part en hauteur, courant sans un regard vers l’arrière. Il s'était enfui à la première occasion et cherchait désormais à s'éloigner du convoi par tous les moyens, le plus rapidement possible. Il tombait et se relevait, sentant comment le souffle froid de la peur le poignardait dans le dos. La douleur que l’avait pénétré l’obligeait se pencher vers l’arrière, arquait son dos et le faisait trembler de peur en s’imaginant qu’il lui cèderait. Il se devait rester en bonne santé, apprendre la liberté, apprendre à se rechercher de la vie dans le grand monde. Cette soirée–la, Destrien est arrivét dans une ville étrange. Ses rues étaient bleues et fraiches. Pas des arbres, pas des feuillies, rien qui pourrait indiquer la présence des hommes. De temps en temps, un son aigu, sourd et pénétrant, que l'on entendait de nulle part le rendant fou. Il prit la route principale, se hâtant à traverser cette ville morte, craignant plus que désirant la rencontre des d'autres humaines. Le craquement de ses pas sur la poussière de la rue était ancré dans son cerveau, tout comme ce sifflement persistant qui le hantait. Il marchait d'un bon pas et sans une seule regarde vers derrière. S'il avait fait cela, il aurait pu se sentier plus en sécurité. Car derrière lui, très loin, on voyait venir une gigantesque colonne, tel un tourbillon incessant, engloutissant tout sur son passage. Malheureux pour le pauvre voyageur, le chaos venait silencieux, murmurant sa colère, se mêlant avec le bruissement de la route et le parfum des aubes interdites. Lui, toujours en marchant comme ça, il eut l’aperçu d’une boîte, placée pile au milieu de la route. Curieux, il accéléra le pas vers elle, en comprenant que cette boite était la source de ce son aigu–là et l’effleura. Une lumière rougeâtre clignotait sur le couvercle argenté, un peu érodé par la poussière, le vent et les pluies incessantes. Brusquement, il comprit que quelque chose de tragique arrivera sous peu. Jetant un coup d’œil vers l’arrière, il devient néant. Pile dans ce moment–là, la tornade l’emporte le soulevant de la terre, l’avalant avec un appétit insatiable. Et le transportant dans la nuit.
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